Quelques DÉVELOPPEMENTS NOUVEAUX

SUR LES PRINCIPES ÉMIS DANS LA BROCHURE INTITULÉE

DE LA FORMATION DES ÉGLISES,

et RÉPONSE

à QUELQUES OBJECTIONS FAITES À CES PRINCIPES.

 

J. N. Darby

Décembre 1841, Ed. E. Pelletier, Genève

[Les éléments entre crochets ont été ajoutés par Bibliquest pour faciliter une compréhension rapide de ces textes anciens et ardus.
Les mots ‘économie’ et ‘dispensation’ sont synonymes.
La version Darby de la Bible traduit le mot grec par « administration »]

 

[Un premier écrit de J.N. Darby « Sur la formation des églises » a été publié à Lausanne en 1841. Cet écrit a donné lieu à une réponse par Auguste Rochat (« ministre du saint évangile » à Rolle, canton de Vaud) dans sa brochure intitulée « Réponse à l’écrit anonyme intitulé ‘De la formation des églises’ », Vevey 1841. — Le présent écrit de J.N. Darby, édité à Genève en déc. 1841, donne des explications complémentaires en rapport avec le premier traité « Sur la formation des églises », et il répond à certains points contestés par A. Rochat, la réalité de la ruine et l'existence de l’unité de l’Église sur la terre. — Des commentaires sont aussi donnés sur un Rapport de 1841 de la société évangélique de Genève qui aborde spécialement le sujet du ministère et celui de la ruine.]

 

 

TABLES des MATIÈRES : (abrégéedétaillée)

 

Table des matières abrégée :

1       Introduction

2       Remarques générales [Quelques explications préliminaires pour être compris]

3       [Au sujet] De l’unité du Corps de Christ

4       [Au sujet] De la nomination des Pasteurs

5       [Au sujet] De la ruine de l’économie actuelle [sa réalité, sa fin et la conduite du fidèle]

6       Observations supplémentaires [points importants pour mieux comprendre la situation]

7       Remarques sur le Rapport de 1841 de la Société Évangélique de Genève [Sujet du ministère — le clergé, la ruine]

8       Appendice [L’unité de l’Église sur la terre est une manifestation de la gloire de Christ. La ruine s’y oppose et on doit faire des mises en garde]

 

Table des matières détaillée : (Table abrégée)

1       Introduction

1.1         [Caractère de ce nouvel écrit. Éviter la controverse. Ne pas se défendre personnellement]

1.2         [Comment se situe le présent écrit par rapport à M. Rochat. Faire connaître des principes importants]

2       Remarques générales [Quelques explications préliminaires pour être compris]

2.1         [Rapport entre la forme d’expression et la conformité à la Bible]

2.2         [Orgueil et humilité : comme Église ou comme individus ?]

2.3         [Apostasie malgré l’existence d’un résidu fidèle]

2.4         [Le mot Église ou Assemblée. Église d’un endroit. Ce qu’est un groupe schismatique]

2.5         [Des pasteurs consacrés sont-ils nécessaire pour prendre la Cène ?]

2.6         [Ordre dans la maison de Dieu. Utilité des pasteurs et docteurs]

3       [Au sujet] De l’unité du Corps de Christ

3.1         [L’Église ou les églises ? un seul corps, ou une confédération ou famille d’églises ?]

3.1.1          [Épitre aux Éphésiens]

3.1.2          [1 Corinthiens 12]

3.2         [Les chrétiens ne sont pas membres d’une Église, mais de l’Église corps de Christ. Pas de confédération]

3.3         [La doctrine de l’unité du corps de Christ est une vérité fondamentale]

4       [Au sujet] De la nomination des Pasteurs

4.1         [Choix des pasteurs, choix des Anciens. La question du vote]

4.1.1          [Sens de Actes 14:23, au vu de Actes 10:41]

4.1.2          [Pas d’élection de pasteurs. Choix d’Anciens par les apôtres ou leurs délégués. Pas de votations]

4.1.3          [Les pasteurs sont des dons de Christ. Les anciens furent établis par un délégué d’apôtre. Les qualités requises pour les surveillants ne sont pas adressées à des églises]

4.2         [Pas d’analogie à tirer du choix de Matthias comme apôtre ni du choix des diacres]

4.3         [Le chef de l’Église envoie des dons]

4.4         [En attendant que Dieu donne des dons, faut-il établir des remplaçants provisoires, et les destituer quand le don sera manifesté ?]

5       [Au sujet] De la ruine de l’économie actuelle [sa réalité, sa fin et la conduite du fidèle]

5.1         [Sens du terme « économie »]

5.2         [Une question : l’économie actuelle est-elle la dernière, et est-elle la plénitude des temps ?]

5.2.1          [L’idée que l’économie actuelle n’est pas la dernière est largement acceptée. La venue du Sauveur introduira une nouvelle économie]

5.2.2          [Galates 4:4 et Éphésiens 1:10: des passages sans rapport entre eux]

5.2.3          [Portée de Éph. 1:10 : révélation d’une économie à venir, celle de la plénitude des temps]

5.2.4          [L’économie de la plénitude des temps n’a pas manqué : elle est future]

5.3         [Passages montrant que l’économie actuelle sera, à sa fin, dans un état de ruine]

5.3.1          [Luc 17:20-37, la ruine au temps de la venue du Seigneur comme au temps de Noé et à celui de Lot]

5.3.2          [2 Timothée 3:1-5, les temps fâcheux : La similitude avec Rom. 1 montre le mystère d’iniquité continuant vers l’apostasie de 2 Thes. 2]

5.3.3          [2 Thessaloniciens 2 : deux grands mystères se développent pendant l’économie actuelle, le mystère de Christ et le mystère d’iniquité]

5.3.4          [Matthieu 13, Parabole de l’ivraie. Les serviteurs ne peuvent porter remède au mal]

5.3.5          [Jude : continuité croissante du mal depuis le début jusqu’au jugement final]

5.3.6          [Apocalypse. Sans entrer dans les détails, on voit des prophéties très-positives de misère et de jugement]

5.3.7          [1 Jean 2:18. Présence d’antichrists au temps de l’apôtre, signe de la ruine finale de l’ensemble de l’économie]

5.3.8          [Romains 11]

5.3.8.1      Perte ou menaces de perte des privilèges d’une économie, soit pour les Juifs, soit pour les Gentils, tandis que les fidèles sont amenés à jouir de privilèges plus grands

5.3.8.2      [Juifs retranchés comme économie, mais les conseils de Dieu sont maintenus et un résidu est épargné]

5.3.8.3      [Dans l’économie actuelle, on suit un Christ rejeté et la vocation est céleste. Dans l’économie de la plénitude des temps, les promesses faites aux pères s’accompliront avec Christ régnant en puissance sur la terre]

5.3.8.4      [Il n’y a pas une seule économie jusqu’à la fin, mais la sagesse de Dieu a su maintenir la fidélité à ses promesses malgré l’incrédulité du peuple]

5.3.8.5      [La chrétienté sombre à son tour dans l’incrédulité et les Gentils vont être retranchés]

5.4         [Être devant la ruine avec l’Esprit de Christ]

5.4.1          [Ressentir l’humiliation et les consolations, justement parce qu’on est conscient de l’unité du corps]

5.4.2          [La puissance du temps des apôtres n’est plus là, mais Dieu maintient toujours un témoignage]

6       Observations supplémentaires [points importants pour mieux comprendre la situation]

6.1         [Deux erreurs-clés : a) nier l’unité de l’Église qui est à manifester sur terre par la présence et la puissance de l’Esprit, b) confondre l’économie actuelle avec celle de la plénitude des temps]

6.2         [Faut-il reconnaître, ou choisir et établir des dons ou des Anciens ?]

6.2.1          [Liens étroits entre un vrai pasteur reconnu comme tel, et celui qui a bénéficié de ses soins]

6.2.2          [Un vote d’Église ne produit pas des liens d’amour comme le fait le Saint Esprit quand il agit pour produire un don]

6.2.3          [Les règles pour l’administration de l’Église ne peuvent pas toujours être suivies]

6.3         [Dans l’économie actuelle, l’essentiel à retrouver est un résidu selon l’Esprit. Quand celui-ci ne sera plus, l’économie sera terminée. Pas de remplacement provisoire par voie humaine artificielle]

6.4         [Présidence, pas d’une assemblée, ni pour le culte]

7       Remarques sur le Rapport de 1841 de la Société Évangélique de Genève [Sujet du ministère — le clergé, la ruine]

7.1         [Poursuite du sujet précédent dans ce Rapport de 1841. Des idées fausses sur le ministère]

7.2         [Sens du mot ministère : un service de Dieu et des hommes ? ou le sujet de ce service, ou un clergé ?]

7.3         [Confusion entre clergé sacré et ministère par l’Esprit. Ce que disent plusieurs passages de la Parole]

7.3.1          [1 Cor. 12:28: c’est Dieu qui établit]

7.3.2          [Dons de l’homme ou dons de Christ ? Éph. 4, Gal. 1:1, 1 Cor. 14, Actes 8 et 11]

7.3.3          [Qui prêche ? Un clergé ? Des envoyés des hommes ? Y a-t-il une consécration pour le ministère? Rom. 10, Rom. 12, 1 Cor. 4, Col. 4, Matt. 25]

7.3.4          [Imposition des mains pour recommander à la grâce de Dieu, pas pour transmettre un ministère autorisé par les hommes]

7.3.5          [Le choix de frères par l’Église en Actes 6 et 2 Cor. 8 ne se rapporte qu’à l’administration d’argent]

7.3.6          [La gloire du ministère de la justice en 2 Cor. 3 s’applique à la gloire du Seigneur dans la personne de Jésus Christ, non pas à un clergé]

7.3.7          [L’imposition des mains n’est pas un préalable au ministère]

7.4         [Résultats absurdes de la consécration humaine en contraste avec la sagesse de Dieu]

7.5         [Ne pas distinguer un ministère de prédication d’avec un ministère des sacrements (la Cène)]

7.6         [Confondre les ministères autorisés par les hommes et les ministères du corps de Christ amène ceux-ci à disparaître ou à s’opposer]

7.7         [La ruine, sa réalité et ses conséquences]

7.7.1          [L’Église actuelle n’est pas dans une condition semblable au temps des apôtres]

7.7.2          [Dieu établit des dons malgré tout, la force du Saint Esprit ne défaut pas. L’infidélité de la masse des professants influe sur la forme de l’activité de l’enfant de Dieu, jamais sur le fond]

7.7.3          [Le sentiment de la ruine amène à travailler davantage, spécialement pour évangéliser et pour les soins pastoraux]

8       Appendice [L’unité de l’Église sur la terre est une manifestation de la gloire de Christ. La ruine s’y oppose et on doit faire des mises en garde]

8.1         [Un argument niant l’unité de l’Église sur la terre s’appuie sur ceux qui sont au ciel et ceux qui ne sont pas nés]

8.2         [L’unité de l’Église a existé sur la terre au commencement de l’économie actuelle, pour la gloire de Christ]

8.3         [La croix conduisait à la gloire, et la gloire de Christ se manifestait dans l’unité de l’Église. La disparition de cette unité visible est un sujet de profonde humiliation quant à la gloire de Christ]

8.4         [La doctrine de l’unité de l’Église comme corps sur la terre tient de près à la doctrine de la présence du St. Esprit ici-bas unissant les chrétiens]

8.5         [Il faut avertir sur l’apostasie (ou ruine), car elle s’oppose à la manifestation de la gloire de Dieu]

8.6         [La doctrine de la présence du Saint Esprit dans l’Église (et produisant son unité) ne contredit pas son omniprésence comme Dieu]

8.7         [La souffrance réciproque des membres est une preuve de l’unité de l’Église sur la terre]

8.8         [L’apostasie est un mot utilisé par l’Écriture. Jude dénonce les personnes. L’Écriture en donne des exemples dans toutes les économies]

 

 

1         Introduction

1.1        [Caractère de ce nouvel écrit. Éviter la controverse. Ne pas se défendre personnellement]

L’édition du petit Traité « sur la Formation des Églises » se trouvant maintenant épuisée, je viens, au lieu d’en publier une seconde, donner quelques explications qu’exigent également les circonstances dont cette question est actuellement entourée, et les difficultés qui se présentent à plusieurs esprits. Mon intention n’est pas de faire de la controverse. Je sais qu’au lieu de produire du bien, elle ne tend qu’à diviser les cœurs. Je ne crois pas y entrer en donnant ces quelques éclaircissements, suivis de plusieurs remarques sur certains passages de la Parole. Pour ce qui me concerne personnellement, je n’ai qu’à me taire, c’est pour moi peu de chose d’être jugé de jugement d’homme ; je désire être comme un sourd qui n’entend point (Psaume 38:13, 14). Étranger, il est vrai, selon la chair, ici comme ailleurs, j’ai appris que le St. Esprit forme, entre ceux qui sans cela ne se seraient jamais connus les uns les autres, des liens doux et puissants que le monde ne saurait comprendre. J’ai appris aussi que les enfants de Dieu « savent ce que c’est que d’être étranger » (Exode 23:9 ; Lév. 19:34), en ce que Dieu les a rendus étrangers, et pèlerins eux-mêmes sur la terre. Les liens qui les unissent ne sont pas de ce monde, et ils subsisteront quand tout ce qui les a distingués ici-bas aura cessé d’exister.

 

1.2        [Comment se situe le présent écrit par rapport à M. Rochat. Faire connaître des principes importants]

Je ne me propose pas de répondre à la brochure de M. Rochat. Je veux seulement prendre occasion des principaux points de cet écrit, pour traiter l’important sujet qui occupe maintenant les esprits. On croira peut-être que si je ne réponds pas, c’est parce que je ne le peux pas. Soit. J’aime mieux qu’on me tienne pour vaincu que de sortir du chemin dans lequel je crois être conduit par l’Esprit de Dieu, ou de m’éloigner de ce qui peut être profitable à toutes les âmes que Jésus a aimées, en agissant d’une manière contraire à la charité. Je n’aurais pas même publié ce petit écrit, si quelques personnes ne m’avaient pas demandé des éclaircissements sur des passages cités de part et d’autre.

On me permettra quelques réflexions en passant. Si le nom de Rolle a fait de la peine au bien-aimé frère qui a pris à tâche de me répondre, j’en ai vraiment du regret, car j’aurais pu choisir pour exemple tout autre troupeau ; et si le nom de Rolle s’est présenté à mon esprit, c’est probablement parce que chacun sait que le troupeau de cette ville a été formé sur les principes qui sont en discussion. Toutefois, je crois y voir aussi maintenant la main de Dieu.

On me dira peut-être : Si vous désirez éviter la controverse, pourquoi entamez-vous un tel sujet ? Je réponds que tout en désirant sincèrement la paix, on ne doit pas pour cela s’empêcher de faire connaître des principes importants. Si l’on se soumet à être jugé par les hommes, et si l’on s’en remet entièrement à Dieu, je crois qu’on peut toujours éviter la controverse. Ceux qui désirent connaître la vérité sonderont la Parole et seront éclairés sur les sujets en question.

Il me semble que notre bien-aimé frère Rochat aurait mieux fait d’apporter plus de calme dans la discussion. Le petit traité présente, selon lui, « des vues vraiment toutes nouvelles » « sur un point singulièrement important ». Puisque l’importance du sujet est si généralement reconnue, on peut du moins m’excuser d’en avoir parlé. Si l’on garde soigneusement la charité, j’espère que l’on finira par trouver bon que je l’aie fait, et je crois que Dieu lui-même m’en approuvera.

Quoique le frère qui m’a répondu me blâme, je le respecte et je l’aime toujours beaucoup. Je le regarde, si ce n’est comme un doyen d’âge selon la chair, du moins comme un doyen dans la grâce de Christ. Je l’aime, quoiqu’il soit en désaccord avec moi ; je l’aime à cause de la grâce que Dieu lui a faite, et parce que je le crois beaucoup plus fidèle que moi à bien des égards. Béni soit Dieu, il y a dans les effets de la grâce quelque chose de plus fort que la main quelquefois un peu rude de l’esprit de l’homme. J’espère ne pas manquer à la charité en faisant sur l’écrit de mon frère quelques remarques qui me feront rapidement arriver à l’essentiel de la question.

 

2         Remarques générales [Quelques explications préliminaires pour être compris]

2.1        [Rapport entre la forme d’expression et la conformité à la Bible]

La brochure que j’ai en vue me fait un peu l’effet de l’écrit de quelqu’un qui ne s’est pas habitué à discuter d’égal à égal, mais plutôt à ce qu’on reçoive ce qu’il dit comme chose décidée. Je prie ce cher frère de me supporter pendant que je lui donne quelques explications, et que j’examine avec lui ses interprétations de la Parole. Il me semble qu’il ne m’a pas compris à plusieurs égards, et qu’il n’a pas bien interprété quelques passages. Dans une partie considérable de sa brochure, il répond à des choses qui sont dans ses propres pensées, et nullement dans le petit traité ; à des choses qu’il peut avoir entendues quelque part, mais dont je ne suis nullement responsable. Il blâme l’expression de « Églises apostoliques » ; je l’ai cherchée en vain dans le traité. Il raisonne beaucoup contre l’idée que c’est à cause des péchés de l’Église qu’il n’y a plus d’apôtres ; je n’en ai pas dit un mot, je n’ai pas même pensé à une telle question. Encore une petite remarque : il me blâme beaucoup de ce que j’emploie des phrases qui ne sont pas scripturaires, et il me dit que celui qui pense avec la Bible peut parler avec la Bible. Je me suis servi tant bien que mal des mots et des phrases qui se présentaient à mon esprit ; reste à savoir si les pensées en sont scripturaires. Notre cher frère n’aime pas cette expression, « l’économie de l’Église » ; en effet elle ne me parait pas très-exacte à moi-même ; mais il me suffit que tout le monde me comprenne. Ce qui m’importe, c’est le fond de la question. Mais n’est-il pas surprenant que dans les pages mêmes où ces expressions sont si fortement blâmées, nous trouvions les paroles suivantes : « Il s’agit de tout autre chose. L’économie de la nouvelle alliance subsiste » (page 31 de la réponse de M. Rochat). Où se trouve cette expression dans la Parole ? Notre frère ne pense-t-il donc pas avec la Bible en ceci ? Au fond je crois que mon idée est plus exacte que la sienne. Je ne suis pas entièrement content de ma phrase ; la sienne est peut-être plus selon les pensées traditionnelles. En cela elle se recommande davantage, et sera plus facilement adoptée ; mais en quoi est-elle plus scripturaire ? Quant à moi, je ne blâme point notre frère de ce que, pour exprimer sa pensée, il a choisi les paroles qu’il a trouvées les plus propres à atteindre son but, Eh bien ! qu’il me pardonne aussi mes expressions. Sur un point aussi éminemment important pour toute l’Église, on peut bien passer sur de telles observations.

 

2.2        [Orgueil et humilité : comme Église ou comme individus ?]

Il y a encore une chose qui parait avoir blessé notre frère, c’est le désir si souvent exprimé dans le traité, qu’on ait plus d’humilité. J’ai parlé de la tendance du système à produire de l’orgueil, mais je n’ai jamais parlé de l’orgueil individuel. La brochure me fournit un exemple très-clair du mal que j’ai voulu signaler : « Si l’Église, dit l’auteur (page 107), veut qu’on respecte ses décisions, il faut qu’elle les fasse de manière à pouvoir dire, en s’appuyant avec pleine conviction sur la Parole : Il a semblé bon au St. Esprit et à nous ». Voilà ce que j’appelle de l’orgueil. Souvenons-nous que l’Église, selon notre frère, c’est tel ou tel troupeau particulier. Examinons maintenant le passage cité. Il s’était élevé à Antioche une dispute sur un point capital qui intéressait toutes les Églises des Gentils (*). L’autorité de Paul et de Barnabas n’ayant pu la terminer, il fut résolu qu’eux et d’autres frères monteraient à Jérusalem vers les Apôtres et les Anciens, pour décider cette question. Alors les Apôtres et les Anciens s’assemblèrent pour examiner cette affaire, et en s’adjoignant tous les frères, ils s’adressent aux frères d’entre les Gentils, en ces mots : « Car il a semblé bon au St. Esprit et à nous de ne mettre point de plus grande charge sur vous que ces choses nécessaires ». Plus tard, Paul et ses compagnons de voyage, passant par les villes, les instruisaient à garder les ordonnances décrétées par les Apôtres et par les Anciens de Jérusalem. S’arroger le droit de parler comme ont parlé les Apôtres et les Anciens, en jugeant une question qui leur a été proposée, et qui s’appliquait à toutes les Églises des Gentils, et dire : Il a semblé bon au St. Esprit et à nous, me paraît de l’orgueil dans la bouche d’un troupeau d’aujourd’hui, sorti des systèmes mondains qui existent. C’est là ce que j’entends quand je parle de l’orgueil ; cet exemple est assez net et assez précis pour que je sois bien compris.

 

(*) C’était là l’appel d’une Église à une autorité ou à une lumière supérieure.

 

2.3        [Apostasie malgré l’existence d’un résidu fidèle]

Notre frère insiste beaucoup sur ceci ; c’est qu’aussi longtemps qu’il y a des fidèles, on ne peut pas dire que l’Église ait apostasié. Il s’appuie sur ce précepte : « détournez-vous de ces gens-là », et il cite Apoc. 13, pour nous faire voir qu’il y a des fidèles sous l’Antechrist même, liant ce passage avec le second chap. de 2 Thessaloniciens. Je suis d’accord quant au rapport de ces passages entre eux, mais c’est précisément ce qui prouve que l’existence des fidèles n’empêche pas qu’il y ait une apostasie ; car dans ce dernier passage cet état de choses est appelé apostasie, quoiqu’il y ait encore des fidèles, vu qu’il y en aura jusqu’à la fin. L’existence des fidèles n’empêche donc pas qu’il y ait une apostasie, puisqu’il y en aura même sous l’Antechrist. La présence d’Élie, des prophètes cachés par cinquantaines dans des cavernes, des sept mille qui n’avaient pas fléchi le genou devant Baal, n’empêchait pas qu’Israël ne fût en ruine, dans un état d’apostasie, en adorant ce faux dieu. En faisant le veau d’or, Israël a apostasié, mais cela n’empêcha pas que Moïse ne restât fidèle, et que les Lévites ne se consacrassent à Dieu par leur fidélité. Il y a eu des fidèles dans toutes les apostasies, et il y en aura jusqu’à la fin.

Mais notre frère n’ayant ni compris ni saisi ce qui est affirmé dans le traité, raisonne contre des choses qui ne s’y trouvent pas.

Je m’explique sur ces points.

Il insiste sur ce que l’économie n’est pas retranchée (*). Je ne le crois pas non plus. Je distingue comme lui entre l’abolition d’un état de choses par le Seigneur, « et le cas où cet état de choses a cessé d’exister par la négligence ou la malice de l’homme ». Ce que j’ai proposé à l’examen des frères, c’est : Quelle est la volonté de Dieu dans ce dernier cas ? En posant la question de cette manière, je puis dire que j’ai déjà atteint mon but, car je suis pleinement convaincu que le St. Esprit éclairera les Saints. Je dois dire aussi que je ne crois pas même que l’apostasie soit à son comble. Il y en a qui appliquent le second chapitre de la seconde aux Thessaloniciens au système romain ; ceux-là ne peuvent pas nier que l’apostasie ne soit déjà arrivée.

 

(*) On peut trouver ce point traité au long dans L’Attente actuelle

 

Le point important sur lequel j’insiste, c’est que la parole de Dieu prédit une apostasie et un retranchement, et qu’elle nous dit que si les Gentils ne persévèrent point dans la bonté de Dieu, ils seront retranchés. Or, si l’état de choses que Dieu avait établi a cessé d’exister par la négligence ou par la malice des hommes, il est évident qu’ils n’ont pas persévéré dans la bonté de Dieu.

 

2.4        [Le mot Église ou Assemblée. Église d’un endroit. Ce qu’est un groupe schismatique]

Encore une explication. Pourvu qu’on s’entende, je ne m’oppose pas à ce qu’on se serve du mot église. Le mot église veut dire assemblée. Là où deux ou trois sont assemblés au nom de Jésus, il est clair qu’il y a une assemblée, mais quand, à force de se dire église, on va jusqu’à croire qu’on peut employer les termes dont se sont servis les Apôtres et l’Église de Jérusalem, alors cela me fait peur, surtout quand on se dit : « l’Église de Dieu de l’endroit », expression qui va beaucoup plus loin que celle d’Église. Il est vrai que si quelques-uns ne veulent pas s’y joindre, cela ne l’empêche pas d’être l’Église de Dieu ; mais il en résulte qu’ils ne sont pas de l’Église de Dieu. Affirmer ensuite que les quelques-uns qui n’osaient pas se joindre aux disciples de Jérusalem étaient cependant des disciples, c’est dire que celui qui refuse de confesser le Seigneur ouvertement de la bouche, n’en est pas moins chrétien et n’en doit pas moins être reconnu comme tel. Non, si un corps est l’assemblée de Dieu, celui qui n’en veut pas être ne peut pas s’attendre à être reconnu comme chrétien ; et s’il s’en sépare, il doit être regardé comme schismatique. Aurait-on pu reconnaître comme chrétien celui qui aurait refusé de se joindre aux disciples à Jérusalem, et à être baptisé au nom de Jésus-Christ ? N’aurait-on pas traité de schismatique et même de pire celui qui s’en serait séparé ? Sauf le cas d’un schismatique ou d’un excommunié, il n’y a pas d’exemple d’une église de Dieu d’un endroit qui n’ait pas été censée renfermer tous les enfants de Dieu de cet endroit.

Je bénis Dieu de ce que sa Parole attache à une assemblée de deux ou trois disciples réunis au nom de Jésus, tout ce qui est nécessaire pour la faire marcher devant le Seigneur.

 

2.5        [Des pasteurs consacrés sont-ils nécessaire pour prendre la Cène ?]

Encore une petite observation. On nous dit : Marchons dans les ordonnances de la Parole, il n’y a pas besoin d’avoir des apôtres ; puisque nous avons leurs directions écrites, on peut toujours les suivre. C’est bon. Pourquoi donc y a-t-il tant de troupeaux privés habituellement de prendre la Cène, faute de pasteurs consacrés ? ce n’est pas moi qui les en empêche. Je crois que si toutes choses se passent avec convenance et avec ordre, ils peuvent tout aussi bien rompre le pain ensemble sans avoir un homme consacré, que s’ils en avaient un. Je ne vois pas trace de consécration pour ce but dans la Parole. Je cite ce fait pour démontrer qu’on sent le besoin de quelque chose de plus que des préceptes à suivre ; c’est-à-dire que Dieu suscite par sa Puissance des instruments selon son bon plaisir. Ainsi il ne suffit pas de dire : Voilà les préceptes, il n’y a qu’à les suivre, puisqu’il y a des directions qu’on ne saurait suivre, à moins que Dieu n’y mette tout de nouveau sa main pour rétablir ce qui est perdu en fait d’instruments.

 

2.6        [Ordre dans la maison de Dieu. Utilité des pasteurs et docteurs]

Que personne ne se méprenne ; j’aime l’ordre de tout mon cœur, le véritable ordre qui convient à la maison et aux ordonnances de Dieu. Abstraction faite des circonstances, tout frère a la même capacité pour rompre le pain. La nature, comme la Parole, nous enseigne que les jeunes gens, que les néophytes, sont peu propres à présider de quelque manière que ce soit, et que les Anciens, si Dieu en a suscités, ont leur place à eux dans la maison de Dieu. Je répète ici de tout mon cœur ce que j’ai dit dans le petit traité ; c’est que j’adresse des supplications ardentes et continuelles pour que Dieu suscite des pasteurs et des docteurs selon son cœur, pour les besoins de ses chères brebis, afin que l’Église de Dieu soit gardée, soignée, instruite, rendue capable de résister aux pièges de Satan, et que les petits du troupeau soient abrités de tout vent de mauvaise doctrine. Oui, c’est le vœu le plus cher de mon cœur ; il ne peut pas en être autrement pour celui qui aime l’Église, et qui sait quelque chose de l’amour de Jésus pour les siens, des privilèges qui leur appartiennent, et qui sait aussi quelque chose des embûches et des machinations de l’ennemi. De plus je crois, que la relation du pasteur avec les brebis du troupeau de Dieu est la plus douce, la plus précieuse qui existe sur la terre. Aussi dans ses fruits et dans sa joie, cette relation ne se terminera pas là. J’ajouterai que je ne connais personne, du moins à ce qu’il me semble, qui désire l’effectuer avec plus de fidélité que celui dont la brochure a occasionné ces pages.

Au reste le chapitre 4 des Éphésiens suffit pour nous diriger à cet égard.

 

3         [Au sujet] De l’unité du Corps de Christ

Maintenant nous en venons à des points beaucoup plus graves que de simples explications.

 

3.1        [L’Église ou les églises ? un seul corps, ou une confédération ou famille d’églises ?]

Si l’on appelle ce que j’ai dit, de la controverse, je réponds qu’on a insisté pour que je m’explique, afin d’être compris de l’auteur même de la brochure ; je crois m’être borné à peu près à cela. Avant d’en venir à quelques observations sur les passages cités, il y a un point de la plus haute importance mis en question dans la brochure de notre frère. J’avais dit que, en étant préoccupé de la pensée des Églises, on oubliait trop l’idée de l’Église. Quelle n’a pas été ma surprise de voir nier formellement l’unité de l’Église sur la terre, comme si elle n’était pas dans la pensée de Dieu. L’auteur m’attribue l’idée d’une confédération d’Églises, parce que les Églises sont toujours le point de départ de ses pensées. Quant à moi ce n’est pas une confédération d’Églises que je vois dans la Parole, mais l’unité du corps de Christ. Notre frère, en citant Timothée, prétend que lorsque la Parole parle de l’Église, c’est comme si on disait en français, la famille, pour désigner les familles ou chaque famille (voyez pages 26 et 27, première réflexion). Je crois que la Parole de Dieu parle très-clairement d’un corps sur la terre, ayant certains dons et privilèges, comme aussi une certaine responsabilité et une destinée commune ici-bas, quoiqu’elle appartienne au ciel dans les conseils de Dieu. Je vais citer quelques passages par lesquels on verra qu’il est question d’un seul corps, et d’un corps sur la terre doué de certains privilèges pour l’emploi desquels il est responsable également sur la terre, quoique le résultat, qui est la perfection du corps, soit en haut selon les conseils de Dieu. Ainsi on peut considérer ce sujet sous le point de vue de cette responsabilité ici-bas, ou sous celui de l’accomplissement des conseils de Dieu dans les cieux. Voici ces passages de l’Écriture sainte :

 

3.1.1        [Épitre aux Éphésiens]

Éph. 2:16 : Et qu’il réunit les uns et les autres pour former un corps devant Dieu.

Éph. 2:20 : Jésus-Christ étant la maîtresse pierre du coin, en qui tout l’édifice posé et ajusté ensemble, s’élève pour être un temple saint au Seigneur, en qui vous êtes édifiés ensemble pour être un tabernacle de Dieu par l’esprit.

Éph. 4:4 : Il y a un seul corps et un seul Esprit.

Éph.4:16 : Duquel tout le corps bien ajusté et serré ensemble, par toutes les jointures du fournissement, prend l’accroissement du corps, selon la vigueur qui est dans la mesure de chaque partie pour l’édification de soi-même en charité.

[Éph. 4:12] Les dons sont donnés non pas pour l’édification d’une Église, mais pour l’édification du corps de Christ (v. 12). Ils se trouvent placés, non pas dans une Église, mais dans l’Église. Les conséquences de ce principe sont de toute gravité, attendu que si je suis docteur, je ne le suis pas d’une Église, mais dans l’Église. Mais, dira-t-on peut-être, ce corps a son unité dans les cieux. Je réponds que l’apôtre parle du service des membres du corps ici-bas, des jointures de service ici-bas, dont l’œuvre sera terminée quand l’Église sera glorifiée.

Du reste l’application de ce passage à l’Église, société ici-bas, est selon les vues de l’auteur de la brochure lui-même, page 43, et nous pouvons nous convaincre de cette application en lisant avec attention les passages qu’il cite. L’Église est donc un seul corps ici-bas, et les dons envoyés d’en-Haut sont des dons placés comme des jointures dans le corps tout entier. On pourrait citer ici toute l’Épître aux Éphésiens, car cette vérité fondamentale et précieuse en forme le sujet d’un bout à l’autre.

 

3.1.2        [1 Corinthiens 12]

La même vérité se retrouve au chapitre 12 de la première aux Corinthiens. Il n’y a qu’un même Esprit ... Mais un seul et même Esprit fait toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons comme il le trouve à propos. Car comme le corps n’est qu’un, et cependant, il a plusieurs membres, mais tous les membres de ce corps qui n’est qu’un, quoiqu’ils soient plusieurs, ne sont qu’un corps, il en est de même de Christ. Ce n’est donc pas une confédération d’Églises, mais un seul corps ; et nous avons ici la constitution divine du corps de Christ qui est l’Église. On ne saurait dire d’une Église particulière, il en est de même de Christ, parce que nulle Église particulière n’est le corps de Christ. Or vous êtes le corps de Christ, et vous êtes chacun un de ses membres, et Dieu a mis dans l’Église, d’abord des apôtres, etc. La même vérité se retrouve Col. 2:19 ; Rom. 12:4-6.

 

3.2        [Les chrétiens ne sont pas membres d’une Église, mais de l’Église corps de Christ. Pas de confédération]

J’admets donc pleinement l’existence des Églises dans l’intention de Dieu, mais je dis que la pensée dominante de l’apôtre, ou plutôt de l’Esprit de Dieu sur ce sujet, c’est le corps de Christ, l’Église, et non pas les Églises ; et quoique les dons puissent s’exercer çà et là généralement, mais non pas nécessairement dans une assemblée, dans le principe ils n’étaient pas considérés comme le partage d’une Église, mais comme celui de l’Église, du corps de Christ.

Aussi les chrétiens ne sont pas membres d’une Église, mais de l’Église, savoir du corps de Christ. Dieu a placé chaque membre dans le corps, les membres (1 Cor. 12:12) ne sont qu’un corps. La destinée de ce corps envisagé dans son unité de vie intérieure ici-bas, est une, et envisagé dans sa responsabilité ici-bas, sa destinée comme économie est une aussi. Je ne nie pas que des Églises ne puissent tomber et être ensuite relevées (*) par la repentance, mais l’admission de cette vérité n’exclut pas l’autre. Ignorer, oublier, et à plus forte raison nier cette unité, c’est se priver du principal élément de la doctrine de la Parole sur le sujet que nous traitons. On est alors conduit à s’occuper de questions de confédérations d’hommes, plutôt qu’à reconnaître les droits de l’Esprit de Dieu dans le corps de Christ. C’est pourquoi je dis que je ne parle pas de confédération d’Églises, mais de l’unité de l’Église, du corps de Christ, et j’affirme que les dons du Saint Esprit se trouvent dans ce corps, agissant par ses membres. Cette vérité de l’unité de l’Église comme corps ici-bas, vérité méconnue et défigurée, il est vrai, dans la manière de la présenter comme une confédération, est, dit l’auteur de la brochure, « une erreur fondamentale dans laquelle je suis tombé, et qui jette du faux sur toute mon argumentation » (p. 26). Cette expression l’Église signifie les Églises ou chaque Église (p. 27 et 28) : « La Parole, en envisageant l’Église comme société, ne voit que des Églises et non l’Église ».

 

(*) Je ne crois pas que nous ayons l’exemple d’une Église déchue qui ait été relevée.

 

3.3        [La doctrine de l’unité du corps de Christ est une vérité fondamentale]

Ici il faut être clair et précis. J’affirme que la doctrine de l’unité du corps de Christ est une vérité fondamentale de la parole de Dieu. J’en appelle à Éph. 4, Col. 2, 1 Cor. 12, et Rom. 12, et j’engage tous mes frères à examiner à fond ces passages. J’affirme encore que tous les privilèges de l’Église découlent de ce principe (*), que les dons sont dans l’Église, que les fidèles sont les membres de l’Église, du corps de Christ, et non pas d’une Église. Il est évident que là où ce principe est ignoré ou nié, tout jugement sur l’état de l’Église doit être proportionnellement erroné. Les apôtres étaient dans l’Église, et non pas dans une Église. Apollos était aussi bien docteur à Corinthe qu’à Éphèse, parce que l’Église n’était qu’une. Les filles de Philippe remplissaient la fonction qui leur était confiée dans la maison de leur père ; elles faisaient valoir le don qu’elles avaient reçu comme membres de l’Église, du corps de Christ, lors même qu’elles auraient dû se taire dans une assemblée.

 

(*) Je ne dis pas de la connaissance de ce principe, quoique cette connaissance soit très-importante pour que l’Église soit bénie.

 

4         [Au sujet] De la nomination des Pasteurs

4.1        [Choix des pasteurs, choix des Anciens. La question du vote]

4.1.1        [Sens de Actes 14:23, au vu de Actes 10:41]

Avant de traiter la question de la ruine de l’économie actuelle, nous parlerons un peu du choix des pasteurs. Notre frère ne veut pas [p. 71] insister sur le passage des Actes [14:23], le seul qui parle du choix des Anciens, et qui peut être allégué selon la traduction ordinaire [version Martin] qui dit, par l’avis des assemblées. Je ne doute pas que cela se fit dans l’unité de l’Esprit avec tout le corps, mais par cette expression : ils leur choisirent des Anciens, il est évident que le mot ils se rapporte ici à Paul et à Barnabas. Si je disais dans une assemblée, je vous choisis tel ou tel pour être Ancien, pourrait-on dire que l’assemblée aurait choisi ? L’introduction des mots « par l’avis des assemblées » est purement gratuite. Notre frère dit que c’est par préoccupation qu’on [plusieurs traductions] a ôté ces mots : « par voie de suffrages » [Rochat dit « par voix de suffrages » en citant la traduction « de Lausanne », 1839]. Prenons le verset 41 du chapitre 10 des Actes des apôtres, où le même mot se retrouve dans l’original, et donnons-lui la signification qu’on veut lui donner dans Actes 14:23, et l’on en verra l’absurdité : « Non à tout le peuple, mais aux témoins auparavant (*) ordonnés de Dieu par l’avis des assemblées, ou par voie de suffrages ! ». Quoique dans le mot employé ici il y ait une allusion à l’habitude d’élever la main en votant, on l’emploie tout simplement pour signifier choisir, ou plutôt désigner quelqu’un. La traduction « par l’avis des assemblées » est absolument fausse, car si l’on insiste sur ce que le mot grec veut dire ‘voter en élevant la main’, alors selon cette traduction ils votèrent par l’avis des assemblées ; mais il est impossible d’attribuer par ce même mot le choix aux apôtres, et l’avis à l’assemblée. Si c’était une votation, l’assemblée a dû élever les mains et ainsi choisir. Cette expression, choisir par l’avis des assemblées, je le répète, est fausse dans tous les cas. On attribue au mot le sens de choisir par l’avis de quelqu’autre. Ceux qui élevaient leurs mains choisissaient ; on ne peut pas ainsi couper le mot en deux.

 

(*) La traduction de Lausanne dit « désignés ». Pourquoi a-t-on ajouté ces mots : « par voie de suffrages » au chapitre 14 des Actes, v. 23, tandis qu’ici [Actes 10:41] on les a omis ?

 

4.1.2        [Pas d’élection de pasteurs. Choix d’Anciens par les apôtres ou leurs délégués. Pas de votations]

Le fait est, qu’il est dit [Actes 14:23] tout simplement que les Apôtres choisirent des Anciens. Mais notre frère dit qu’on peut établir quand d’autres ont choisi. Cela est vrai. Mais il s’agit de savoir si les autres ont choisi. Je réponds qu’il n’y a dans la Parole aucune trace d’élection de Pasteurs ; nous n’avons que le seul cas du choix des Anciens, et encore ce choix était fait par les Apôtres ou par leurs délégués. Tite avait été envoyé comme délégué de l’Apôtre pour le remplacer à certains égards, et ainsi le moyen employé pour établir des Anciens, reste toujours en dehors d’une Église. Il peut y avoir plusieurs Pasteurs dans un troupeau lorsque Dieu les a suscités, et qu’il les a donnés sans aucun choix d’homme ; car les Pasteurs sont un don d’en-Haut, et, dans ce cas, les établir Pasteurs n’est pas l’œuvre de l’Église (*).

 

(*) Je ne veux pas répondre aux arguments accessoires ; je n’insisterai que sur ce qui va directement au sujet principal ; mais je peux dire, en passant, que si l’on examine de près Deut. 1, et si on le compare avec Ex. 18, on trouvera que ces passages disent tout le contraire de la conclusion que notre frère veut en tirer.

 

Du reste, je ne vois ni l’Esprit ni la Parole sanctionner une votation d’Église.

 

4.1.3        [Les pasteurs sont des dons de Christ. Les anciens furent établis par un délégué d’apôtre. Les qualités requises pour les surveillants ne sont pas adressées à des églises]

Nous avons dans la Parole cette instruction (Éph. 4), que les Pasteurs sont des dons d’en-Haut que Christ distribue. Nous voyons dans l’histoire des Apôtres qu’ils choisirent des Anciens pour les Églises (Act. 14). Nous trouvons aussi que l’Apôtre envoya Tite pour en établir dans chaque ville, suivant ce qu’il lui avait ordonné, les qualités requises pour être Évêque ou Surveillant n’étant décrites dans aucune Épître adressée à une Église, mais seulement dans une lettre adressée à un individu qui remplaçait l’Apôtre à cet égard. Nous n’avons pas un seul exemple du choix d’un Évêque ou d’un Ancien fait par une Église, ni d’une votation sur aucun sujet quelconque. La question à déterminer est qu’est-ce que la Parole nous autorise à faire dans ce cas ?

 

4.2        [Pas d’analogie à tirer du choix de Matthias comme apôtre ni du choix des diacres]

L’auteur de la brochure [Rochat] admet (p. 70) que la Parole de Dieu ne parle pas du choix de l’Église, c’est déjà une concession qui dit beaucoup, mais il ajoute que l’analogie est en faveur de cette pratique. Nous avons le cas de Matthias et des Diacres. Quant à Matthias, non-seulement il fut nommé avant la descente du St. Esprit, mais cela se fit d’après un principe tout autre que celui du choix de l’Église, savoir d’après le principe judaïque qui consistait à tirer au sort. Quant aux Diacres, ou du moins quant aux sept qui furent choisis pour le service des tables, l’analogie est contraire à ce que notre frère a voulu démontrer. Les Apôtres ayant reçu un don d’en-Haut, un ministère de Dieu (ministère dont il est dit : « Vous ne m’avez pas choisi, mais moi je vous ai choisi » Jean 15:16), n’ont pas voulu se mêler d’un ministère temporel ; et pour le service des tables, le choix fut accordé à l’Église, parce que l’Église fournissait les tables ; comme aussi le choix était réservé à Dieu, lorsque Dieu fournissait le don. C’est ainsi que St. Paul, pour que le ministère de la Parole que Dieu lui avait confié, ne fût pas suspecté, a refusé de prendre l’argent que les Églises désiraient lui confier, à moins qu’il n’y eût quelqu’un de choisi par les Églises pour l’accompagner et pour s’en charger avec lui [1 Cor. 16:3 et 2 Cor. 8:16-23]. Ainsi, si l’on examine les passages cités, on trouvera que l’analogie est entièrement contraire à la conclusion qu’on désire en tirer, et qu’elle appuie le principe que j’ai exposé.

Mais je trouve dans la brochure même une pleine confession du véritable état de cette question.

 

4.3        [Le chef de l’Église envoie des dons]

Voici les vues de l’auteur sur ce point. En approuvant un passage du traité qui conseille de ne pas dépasser les dons, il dit : (page 106) « Le chef de l’Église saura bien envoyer en son temps des Docteurs, des Anciens, des Diacres, sans que nous ayons besoin de les faire avant qu’il les envoie ». C’est là ma pensée ; je la crois la pensée de Dieu sur ce sujet ; mais je m’arrête là, désirant marcher dans l’humilité, priant ardemment que Dieu suscite de tels hommes pour les besoins de l’Église. Je bénis aussi Dieu pour les dons inférieurs peut-être, mais utiles, qu’il daigne donner en attendant, et j’agis sur les principes universels de la Parole qui s’appliquent à un tel état de choses. Voyez 1 Pierre 5:5 ; 1 Cor. 16:10, 11, 12, 14, 15, 16, 18 ; Phil. 2:20, 30, et d’autres passages.

 

4.4        [En attendant que Dieu donne des dons, faut-il établir des remplaçants provisoires, et les destituer quand le don sera manifesté ?]

C’est un état de faiblesse sans doute ; mais dans cet état, si l’on s’attend à Dieu, et si on l’honore, « à celui qui a il sera donné davantage ». Il honorera notre attente. Mais voici comment notre frère continue : « En attendant, choisissons pour l’ordre et la bienséance des hommes qui président, qui fassent marcher les affaires, et qui, selon le don qui est en eux, remplacent jour par jour, selon leur pouvoir, les charges qui ne sont pas encore manifestées ». On avoue donc qu’en attendant que Dieu agisse, il faut l’action de l’homme pour remplacer les charges qui ne sont pas encore manifestées. C’est là le nœud de la question. Où se trouve une telle chose dans la Parole ? Où y a-t-il une trace d’un tel principe, d’une telle idée ? Il résulte de cela que si quelque vrai don de Pasteur ou d’Ancien se manifeste, l’organisation étant déjà complète, il faut par conséquent déposer de sa présidence le remplaçant provisoire, opération propre à produire tout ce qu’il y a de plus pénible dans une compagnie de chrétiens. Un tel acte ressemblerait à de l’ingratitude et à de la propre volonté ; il serait désigné comme révolutionnaire par un assez grand nombre, et pourrait nourrir dans le corps les dispositions et les habitudes les plus nuisibles à la vraie sanctification. Voilà ce qui arrivera nécessairement si l’on veut agir en attendant que Dieu agisse. Si l’on n’arrive pas à ces conséquences, alors le véritable Ancien restera hors de sa place, et les fidèles en souffriront proportionnellement. Le fait est que l’effet le plus ordinaire de ce procédé est d’empêcher presqu’entièrement le développement des véritables dons.

 

5         [Au sujet] De la ruine de l’économie actuelle [sa réalité, sa fin et la conduite du fidèle]

5.1        [Sens du terme « économie »]

Après avoir donné ces explications, j’en reviens à la question de la ruine de l’économie actuelle, c’est à-dire du système établi de Dieu ici-bas, à ce que la Parole de Dieu dit sur le sort de cette économie. Je veux parler avec tout le respect possible ; mais il me parait que notre frère n’a pas du tout compris ce que la Bible dit sur ce sujet. Il ne s’agit pas ici de questions d’Églises, mais des intentions ou des avertissements de Dieu, concernant ce qui a été établi sur la terre après la mort et l’exaltation de notre Seigneur Jésus.

Je ne tiens pas au mot économie, quoiqu’on l’emploie ordinairement pour indiquer un certain état de choses établi par l’autorité de Dieu, pendant une certaine période de temps. L’auteur de la brochure [Rochat] lui-même lui donne ce sens quand il parle (p. 49) de l’économie lévitique, de l’économie actuelle, de l’économie de la plénitude des temps, et ainsi de suite.

Ce que nous avons à faire maintenant, c’est d’apprendre à connaître ce qui regarde l’économie actuelle.

 

5.2        [Une question : l’économie actuelle est-elle la dernière, et est-elle la plénitude des temps ?]

La plus grande partie de la difficulté qui se présente ordinairement aux esprits des fidèles sur ce sujet, c’est qu’ils confondent les intentions de Dieu, quant à l’économie, avec ses conseils [ou : résolutions, desseins] concernant les fidèles qui s’y trouvent. Ces conseils ne peuvent pas manquer d’avoir leur effet, mais l’économie même peut passer et se terminer (quoique ayant été à la gloire de Dieu, en ce qu’il y a déployé ses voies), parce que l’infidélité des hommes l’a rendue impropre à être le moyen de manifester plus longtemps cette gloire. Alors Dieu, qui sait d’avance tout ce qu’il veut faire, la remplace par une autre économie dans laquelle l’homme est placé dans un autre genre d’épreuves, et ainsi toutes les voies de Dieu sont manifestées, et sa sagesse diverse en toutes manières a son véritable éclat même dans les lieux célestes. On sait que l’économie lévitique a passé, et que les fidèles qui s’y trouvaient ont été sauvés selon les conseils de Dieu. Examinons de nouveau, avec plus de développement, ce que la Parole de Dieu dit de l’économie actuelle. Premièrement, il y a une question très-grave, qui tient de près au sort de l’économie. Est-ce que cette économie est la dernière ? C’est évidemment ici une question de la plus haute importance. L’auteur de la brochure dit qu’après tout, c’est toujours la même économie de la plénitude des temps qui subsiste, que c’est toujours les Juifs et les Gentils formant un seul corps en Christ par la foi, et étant le peuple de Dieu sous la nouvelle alliance. Cette économie de la plénitude des temps, dit-il, est assez expliquée par Gal. 4:4. Lorsque la plénitude des temps est venue, etc., et la réunion de toutes choses en Christ, comme sous une seule tête [Éph. 1:10] est, dit-il, suffisamment expliquée dans Éph. 2, par la réunion des Juifs et des Païens en un seul Corps en Christ. Si j’ose de mon côté, me plaindre des expressions, je dirais que je n’aime pas entendre dire qu’un passage est suffisamment expliqué par un autre. Je désire plutôt chercher ce que Dieu a voulu dire dans chacun d’eux.

Qu’on me permette ici une réflexion.

 

5.2.1        [L’idée que l’économie actuelle n’est pas la dernière est largement acceptée. La venue du Sauveur introduira une nouvelle économie]

Je ne peux guère supposer que l’auteur de la brochure ignore tout ce qui a été écrit sur le sujet de la venue du Sauveur, pour introduire une nouvelle économie. Un grand nombre de chrétiens de toutes les dénominations et même de ses frères dans le ministère, soit nationaux, soit dissidents, croient pleinement comme à une vérité de la foi chrétienne, qu’il y aura une autre économie avant la fin du monde. Je doute même que parmi les frères dissidents dont le ministère est un peu connu, il y en ait un seul qui ne croie pas cette vérité. Je ne les cite pas comme des autorités, mais je suis un peu étonné que l’auteur se contente de dire que Gal. 4:4, explique suffisamment Éph. 1:10.

Examinons un peu cette question par la Parole.

Premièrement, quoiqu’en français on puisse être frappé de la ressemblance qu’il y a entre la plénitude des temps de Éph. 1:10, et la plénitude des temps de Gal. 4:4, toutefois cette ressemblance n’existe pas dans le grec. (*)

 

(*) Ni la traduction de Martin, ni celle d’Osterwald, ni même celle de Lausanne, ne traduisent Gal. 4:4, par plénitude des temps.

 

5.2.2        [Galates 4:4 et Éphésiens 1:10: des passages sans rapport entre eux]

Le passage de l’épître aux Galates veut seulement dire que l’époque était arrivée, que la période qui devait s’écouler était accomplie, ou si l’on veut, que le temps voulu et ordonné dans la sagesse de Dieu était pleinement arrivé. Martin traduit par l’accomplissement du temps, ce qui me parait assez exact ; mais dans Éph. 1:10, c’est l’économie de la plénitude ou de l’accomplissement des saisons, l’économie qui est caractérisée comme l’accomplissement de tous les arrangements de Dieu.

Maintenant il n’est pas du tout question d’une économie, quand on dit qu’un certain terme est arrivé, qu’un certain fait est accompli. Quoique ce fait soit le fondement de l’économie actuelle, il est si loin d’être une description de cette économie, que la plus grande partie de la description roule sur ce qui a précédé l’économie, sur ce qui a dû se passer avant que l’économie eût lieu. Christ né sous la Loi, n’est pas du tout cette économie, quoique sa naissance l’ait précédé nécessairement. Il n’est pas question non plus dans ce passage aux Galates de la réunion des Juifs et des Gentils en un seul corps, mais de la relation des rachetés avec Dieu. Et si l’union des Juifs et des Gentils explique suffisamment l’union de toutes choses en Christ, je demande lesquels des Juifs ou des Gentils représentent les choses qui sont dans les Cieux (Éph. 1:10). De plus les Juifs seront rétablis et bénis comme nation dans l’économie à venir, ce qui est tout autre chose que leur réunion avec les Gentils dans un seul corps. Nous sommes ici sur un point fondamental, duquel dépend toute la question. Je crois devoir le signaler distinctement. Notre frère dit que l’économie actuelle est l’économie de la plénitude des temps, que Gal. 4:4 s’y rapporte aussi, et que c’est toujours cette économie de la plénitude des temps qui subsiste quoique sous différentes phases ; enfin que lors de la rentrée des Juifs, cette économie subsistera, comme l’économie de la réunion des Juifs et des Gentils (pages 29-49). Il est évident que c’est ici un point capital, parce que s’il y a une autre économie, celle-ci doit nécessairement finir au lieu de subsister jusqu’à la fin.

 

5.2.3        [Portée de Éph. 1:10 : révélation d’une économie à venir, celle de la plénitude des temps]

Quant à moi, je dis qu’il n’y a aucun rapport entre Éph. 1,10, et Gal. 4:4 ; je dis que l’auteur a confondu la naissance et la première venue du Christ (Gal. 4:4) avec l’économie de la plénitude des temps [de Éph. 1:10] ; que cette économie de la plénitude des temps n’existe pas encore, et que l’économie actuelle doit se terminer pour faire place à une autre. Je doute qu’il trouve parmi ses frères un homme bien instruit dans la Parole qui soit d’accord avec lui dans ses assertions, et cependant tout son système dépend de ce qu’elles soient bien fondées. Je demande à tout frère capable de juger, si l’explication que notre frère a donnée d’Éph. 1:10, et de Gal. 4:4 est juste. Trouvent-ils aussi que l’application de cette expression : « l’économie de la plénitude des temps », à l’économie actuelle soit exacte ? Faisons bien attention à la portée de cette question. Dieu a voulu révéler à l’Église le mystère d’une économie à venir ; le système de l’auteur de la brochure cache le mystère et replonge l’Église dans l’ignorance à cet égard. Dieu n’a pas voulu que les chrétiens d’entre les Gentils ignorassent qu’Israël n’était rejeté comme nation que pendant le temps de l’entrée de la plénitude des Gentils. L’auteur fait encore ignorer ce mystère, et veut que les Juifs, comme corps de nation, prennent leur place dans la plénitude des Gentils.

On trouve la suprématie de Christ sur toutes choses, présentée dans le premier ch. de l’Épître aux Colossiens, comme distincte de sa suprématie dans l’Église. L’une tient à ses droits de Créateur, quoiqu’il en jouisse comme homme ; l’autre, à la puissance de sa résurrection selon laquelle il est chef du Corps (voir pour la première, Col. 1:15-16, et pour la seconde v. 18). Il est si peu vrai que ces mots l’Église et toutes choses soient identiques, que dans le passage Éph. 1:10, la réunion de toutes choses est un mystère révélé à l’Église, et qu’à la fin du chapitre nous avons Christ, tête de son corps, l’Église, sur toutes choses.

 

5.2.4        [L’économie de la plénitude des temps n’a pas manqué : elle est future]

Je ne dis pas, ce que la brochure me fait dire, « que l’économie de la plénitude des temps a manqué », car je nie absolument que cette économie-là soit arrivée. J’ajoute que le salut par le sang de Christ existait avant cette économie, et aussi comme il y aura des fidèles sous l’Antechrist, il est évident que l’accès au trône de grâce sera encore ouvert ; mais cela n’empêche pas que cette économie ne soit en ruine, que l’apostasie n’existe, car la parole de Dieu affirme que la présence de l’Antechrist sera le signe que l’apostasie est déjà arrivée. Je répète ce que j’ai dit dans ma brochure, c’est que, rassembler dans un seul corps les enfants de Dieu (non pas comme l’auteur de la réponse me le fait dire, pour rassembler des Églises), était l’objet immédiat de la mort de Christ quant à cette économie, parce que St. Jean le dit dans son Évangile. (Jean 11:52). Le passage (Éph. 2:17, 18) que cite l’auteur de la réponse, pour démontrer le contraire le prouve si on examine depuis le v. 16 jusqu’à la fin ; et ch. 3:4-6. Le sujet que l’Apôtre traite dans tout le passage n’est pas seulement le salut en Christ, ou l’accès d’un chrétien au trône de la grâce, mais l’unité du Corps. Il serait impossible ici d’entrer dans les choses qui prouvent qu’une nouvelle économie aura lieu lors de la venue du Sauveur. Cela a été fait ailleurs. Je dirai seulement que le troisième [chapitre] des Actes nous enseigne que les temps du rafraîchissement viendront par la présence du Seigneur, quand il aura envoyé Jésus. Qu’alors les choses magnifiques dont les Prophètes ont parlé auront leur accomplissement mais pas auparavant ; ce n’est qu’après que la plénitude des Gentils, c’est-à-dire toute l’Église d’entre les Gentils, sera entrée, que Dieu sauvera Israël ; et ce ne sera que lorsque le Seigneur aura mis fin aux temps des Gentils et écrasé la statue, que la petite pierre croîtra et deviendra une montagne qui remplira toute la terre (Dan. 2:35-44) ; enfin, le Seigneur viendra exécuter le jugement sur les nations, ce qui terminera évidemment l’économie. Alors les Juifs seront reconnus comme nation favorisée de Dieu, chose qui est impossible tant que dure l’économie actuelle. L’auteur de la brochure me permettra de lui dire que fonder son argument, quant à l’Église et l’économie actuelle, sur l’assertion que Éph. 1:10 est suffisamment expliquée par Gal. 4:4, n’est pas le moyen de la faire valoir auprès de ceux qui ont tant soit peu étudié la Parole. Il est évident qu’il y aura une économie dans laquelle le Seigneur régnera en justice ; actuellement il exerce la patience de la grâce (*). Maintenant prouvons par des témoignages directs que cette économie, à sa fin, sera dans un état de ruine et non pas de relèvement.

 

(*) Voyez Ps. 96 à 99 ; És. 26:9, 10, 11 ; 1 Cor. 6:2 ; Soph. 3:8, 9 ; Apoc. 19 et 20.

L’expression de monde à venir est purement applicable à ce monde sous une nouvelle économie.

 

5.3        [Passages montrant que l’économie actuelle sera, à sa fin, dans un état de ruine]

5.3.1        [Luc 17:20-37, la ruine au temps de la venue du Seigneur comme au temps de Noé et à celui de Lot]

Le Seigneur nous dit que « comme il en était aux jours de Noé et de Lot, il en sera de même quand le Fils de l’homme sera révélé » [Luc 17 v. 26 + 28 + 30]. Il y avait pourtant alors des fidèles que Dieu sut garder ; eh bien ! l’auteur ne croit-il pas que le monde du temps de Noé et de Lot, fût dans un état de ruine et de chute ? Il en sera de même quand le Fils de l’homme sera révélé. L’état d’alors était un état de ruine, quoiqu’il y eût des fidèles, on peut l’appeler économie, dispensation, ce que vous voudrez, la force de la vérité saute ici aux yeux.

 

5.3.2        [2 Timothée 3:1-5, les temps fâcheux : La similitude avec Rom. 1 montre le mystère d’iniquité continuant vers l’apostasie de 2 Thes. 2]

Quant au troisième chapitre de la seconde à Timothée, je ne l’ai pas cité dans la pensée qu’il peut démontrer à lui seul l’existence d’une apostasie, mais pour faire voir que la Parole de Dieu nous présente toujours le tableau de la ruine de l’état de choses établi de Dieu, ruine que la présence de quelques fidèles ne peut empêcher, ruine qui finira par l’apostasie complète et la manifestation de l’Antechrist, et qui sera terminée par le retranchement. Il surviendra des temps difficiles ; voilà tout ce que voit notre frère, mais qu’est-ce qui fait la difficulté de ces temps ? C’est que les hommes, les Chrétiens de profession, se retrouvent dans l’état réprouvé des Gentils, dépeint dans le premier chapitre des Romains. Et il est ajouté que les hommes méchants et séducteurs iront en empirant. Il est dit que les hommes seront dans cet état. N’est-ce pas là un état de ruine, de chute, quand la description de la chrétienté est, que les hommes seront tels que les Gentils que Dieu avait livrés à un esprit dépourvu de tout jugement. Comparez les chap. Rom. 1 et 2 Tim. 3 ; dans l’original la ressemblance est encore plus frappante. Donc il n’est pas seulement parlé de temps fâcheux, mais le caractère de ces temps est démontré. Ajoutons que quand les temps sont si fâcheux, qu’il y a besoin d’avertissements extraordinaires, il est évident que ce doit être un état général, un état qui caractérise l’économie, et plus ou moins en contraste avec celui des premiers temps. Ainsi 2 Thes. 2, soit la grande apostasie, n’est pas encore consommée. Mais en appliquant ce passage au sort général de l’économie, je dis qu’il nous enseigne que le mystère d’iniquité, qui se mettait en train dès le temps de l’Apôtre, devait continuer, et que ce qui lui mettait empêchement étant ôté, le méchant serait révélé, lequel le Seigneur anéantirait par son illustre avènement, et qu’avant cela l’apostasie aurait lieu.

 

5.3.3        [2 Thessaloniciens 2 : deux grands mystères se développent pendant l’économie actuelle, le mystère de Christ et le mystère d’iniquité]

N’est-ce pas là la révélation de la ruine de l’économie, la révélation d’une apostasie, dont les principes travaillaient déjà du temps de l’Apôtre, et qui n’attendaient que l’empêchement fût ôté pour se manifester dans le méchant. L’auteur dit que cela ne prouve pas que l’économie soit fermée. Je ne la crois pas fermée, et je ne l’ai pas dit ; mais cela révèle la ruine de l’économie, ruine dont l’instrument était déjà en train, et qui se termine en apostasie et en jugement ; voilà ce que j’ai dit.

Nous voyons dans la Parole de Dieu deux grands mystères, qui se développent pendant l’économie actuelle. Le mystère de Christ et le mystère d’iniquité.

Les conseils qui se trouvent engagés dans le premier ont leur accomplissement dans le ciel. L’union du corps de Christ avec lui en gloire aura évidemment son accomplissement là-haut. Mais par la puissance du Saint-Esprit il devrait y avoir sur la terre, pendant cette économie une manifestation de l’union du corps de Christ. Mais ici la responsabilité de l’homme entre pour sa part dans cette manifestation ici-bas, quoiqu’à la fin tout soit à la gloire de Dieu. C’est pourquoi l’économie peut être en ruine quoique les conseils de Dieu ne manquent jamais ; au contraire notre mensonge tournera à sa gloire, bien qu’il nous juge justement [cf Rom. 3:7].

Dans cette sphère de la responsabilité de l’homme, Satan peut s’introduire dès que l’homme ne s’appuie pas absolument sur Dieu. Nous le savons par l’expérience de chaque jour.

Il est donc révélé que le mystère d’iniquité aura son cours. Ici il ne s’agit pas de conseils, mais d’un mal fait dans le temps. Il s’agit ici de ce mystère d’iniquité ; la révolte n’est pas un mystère. Il n’y a pas besoin d’une révélation pour nous faire savoir qu’un homme qui renie Jésus-Christ n’est pas chrétien. Il le dit. Mais ici c’est un mal qui s’est mis en train dans le sein de la chrétienté en relation avec le christianisme, dont le méchant sera la pleine révélation, comme la gloire de Christ et de son Église sera le plein accomplissement du mystère de Jésus-Christ. Le mot iniquité et le mot méchant sont les mêmes dans l’original, sauf que l’un indique la chose, l’autre la personne ; c’est l’iniquité et l’inique par excellence. Ce mystère d’iniquité donc se mit en train du temps de l’Apôtre ; plus tard, le voile devait être ôté, l’apostasie devait être là, et enfin le méchant trouver sa fin par l’illustre avènement de Christ. Ainsi doit finir l’économie : voilà ce que nous révèle ce passage. Aussi comme nous le voyons ailleurs, ce sera pour introduire la gloire et le règne de Christ, afin que toute la terre soit remplie de la connaissance de la gloire de l’Éternel [És. 11:9].

Quoi qu’aient dit les chrétiens et les théologiens, sur la parabole de l’ivraie, (Matt. 13), je me permets de dire qu’elle nous enseigne bien autre chose que ce que notre cher frère peut y trouver (p. 55). Il nous dit que partout où le Seigneur sèmera ou fera semer le bon grain, l’ennemi viendra aussi semer l’ivraie, et qu’il en sera ainsi jusqu’à la fin. Ce n’est pas du tout ce que dit la parabole, quoique cela puisse être vrai en soi.

 

5.3.4        [Matthieu 13, Parabole de l’ivraie. Les serviteurs ne peuvent porter remède au mal]

La Parole nous donne une similitude du royaume des cieux, duquel cette économie dépend et fait partie. Il n’y a pas d’autre semeur que le Fils de l’homme et l’œuvre qu’il a faite est gâtée, non pas pour le grenier, parce que Lui saura séparer le bon grain d’avec le mauvais, mais pour le monde où l’œuvre de cette économie se fait. Nous voyons aussi que le mal qui s’est introduit au commencement par la négligence des hommes, est irréparable par les hommes dans son ensemble et dans le monde. Car c’est une économie de grâce et non pas de jugement.

Les conseils quant au bon grain ne peuvent pas manquer, il sera dans le grenier. Mais l’œuvre qui regarde ce monde a été gâtée, parce que les hommes en ont été chargés, et que leur négligence a donné lieu à une œuvre de l’ennemi, à laquelle on ne peut pas porter remède aussi longtemps que l’économie subsiste. Je n’ai pas dit que cette parabole prouvait que le mal irait en croissant, mais j’ai dit que le Seigneur avait prononcé ce jugement, savoir que les serviteurs ne pouvaient pas y porter remède : n’est-ce pas là ce que dit la parabole ? Il n’est jamais dit dans la Parole que l’apostasie étoufferait le bon grain ou les fidèles. Il y aura des fidèles sous l’Antechrist, comme nous l’avons vu, bien qu’il soit certain que l’apostasie existera alors.

Pour moi, je n’ose dire que ce que la Parole a prédit. Je vois un mal auquel la négligence de l’homme a donné lieu, qui a gâté l’œuvre du Seigneur, quant à son état et à son ensemble dans le monde ; auquel le Seigneur seul peut porter remède, et auquel il portera remède en terminant cette économie, cet âge par la moisson. Je supplie ceux qui désirent connaître les pensées de Dieu, de comparer très soigneusement ce que je dis avec les passages cités, et de voir si le tout est exact.

 

5.3.5        [Jude : continuité croissante du mal depuis le début jusqu’au jugement final]

Notre frère passe par-dessus Jude, parce que ce que j’ai dit est obscur ; je tâcherai de le rendre plus clair. Je dis que la Parole de Dieu nous enseigne que le mal qui sera l’objet du jugement du Seigneur Jésus, quand il viendra, est entré dans l’Église dès le commencement ; que ce mal doit continuer, et que malgré toute la patience et la bonté de Dieu, Il l’amènera en jugement. Je cite Jude à l’appui de cette assertion. Il nous enseigne que certaines personnes s’étaient déjà glissées dans l’Église qui avaient été ordonnées pour une telle condamnation. Quoique dans ce moment-là ces personnes ne fussent pas encore ainsi manifestées, il leur donne par l’Esprit de Prophétie, ces trois caractères : la haine naturelle du cœur aliéné de Dieu, tel que celui de Caïn ; l’enseignement de l’erreur pour courir après la récompense, comme Balaam, et la révolte ouverte, semblable à celle de Coré. Dans ce dernier état ils périssent. Il dit que ce sont de ces gens dont Énoch a prophétisé quand il a dit que le Seigneur viendrait avec ses saints, qui sont par milliers, pour juger ceux qui ont parlé contre lui, etc. Toutefois il y aura des fidèles, mais déjà, dès le temps de Jude, le mal qui doit se terminer par une révolte ouverte et qui doit être l’objet du jugement de Christ à son avènement, se trouvait dans l’Église. Examinez l’épître, elle n’est pas si longue ; et voyez si elle ne parle pas d’un mal qui s’était déjà glissé dans l’Église, et qui amènerait le jugement de gens qui étaient encore cachés, mais qui, plus pleinement manifestés seraient l’objet de ce jugement. Quelle est l’impression que produit l’Épître si ce n’est un avertissement à un résidu fidèle, contre un mal terrible qui amènerait ce jugement, contre un mal qui se trouvait alors dans le sein de l’Église, duquel l’état de Sodome et de Gomorrhe et des anges déchus, présentait l’affreux mais juste tableau ; n’était-ce pas un état de ruine et de chute, qui ne faisait que germer, il est vrai, dans ce moment, mais dont les traits et la fin n’étaient pas cachés à l’Esprit prophétique dans l’Apôtre ? S’il y a de l’obscur en tout cela, il y a du moins dans cette obscurité une ombre terrible, une ombre que Dieu y a mise, et qui doit nous engager à ne pas passer si facilement par-dessus, surtout quand il s’agit d’un sujet aussi grave que celui de la destinée de l’Église.

Ici j’ai une remarque importante à ajouter. Cette épître de Jude qui traite spécialement de la ruine, ainsi que celle de St. Jean, qui met les fidèles en garde contre les antéchrists, ne s’adressent nullement à une Église, mais à l’Église en général, aux fidèles, comme ayant un intérêt commun, une destinée commune ; on peut en dire autant de la seconde de St. Pierre qui en parle aussi, quoiqu’elle ait un caractère plus en rapport avec les chrétiens d’entre les Juifs.

 

5.3.6        [Apocalypse. Sans entrer dans les détails, on voit des prophéties très-positives de misère et de jugement]

L’auteur de la brochure met de côté tout ce qui peut être cité de l’Apocalypse. On sait que l’Esprit a dit : « Bienheureux est celui qui lit, et ceux qui écoutent la parole de cette prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites, car le temps est proche », et je ne puis m’empêcher de dire que c’est précisément sur le point en question que cet avertissement et cette promesse deviennent si importants.

Je ne veux pas entrer dans des détails sur l’Apocalypse, mais je demande ce que ce livre nous présente dans sa partie prophétique ; quand Laodicée, la dernière des Églises mentionnées, a été vomie de la bouche du Seigneur, et quand Jean est enlevé dans le ciel ? Est-ce le rétablissement de l’économie dans la bénédiction, ou des prophéties très-positives de misère et de jugement ? Moi, je trouve que les rois de la terre seront assemblés par des esprits impurs, pour faire la guerre à l’Agneau ; que la grande Babylone corrompra toute la terre, jusqu’à ce qu’elle soit jugée, et que les raisins de la vigne de la terre seront jetés dans la cuve de l’indignation de Dieu, et pressés dans le pressoir de sa colère ; enfin, que les rois de la terre, persévérant dans le mal, donneront leur puissance à la bête, et que par le jugement de Dieu sur eux, ils auront une même volonté pour le faire.

Je n’interprète pas maintenant, je prends l’ensemble de ces choses ; n’annoncent-elles pas, y compris la vigne de la terre, un état de corruption, de révolte, enfin de retranchement, avant le commencement des mille ans de bénédictions, qui surviendront par la présence du Seigneur. Je ne crois pas que l’Église se trouve bien de mettre de côté des avertissements si solennels, d’autant plus que Dieu a attaché une bénédiction spéciale à ceux qui les écoutent.

Si l’auteur de la brochure ne veut pas s’y arrêter, qu’il ne s’étonne pas si quelqu’un attire l’attention des enfants de Dieu sur de pareilles portions des Écritures. Qu’il me permette de lui rappeler que si ce livre a été adressé aux Églises qui existaient alors, il ne s’agit cependant pas d’Églises dans ce qui leur a été adressé, mais de ruine, de révolte et de jugement. C’est là l’avenir qui est présenté quand Jean monte au ciel [Apoc. 4:1]. S’il y a des Églises, qu’elles y fassent attention [Apoc. 3:22].

 

5.3.7        [1 Jean 2:18. Présence d’antichrists au temps de l’apôtre, signe de la ruine finale de l’ensemble de l’économie]

Dans le passage de 1 Jean 2:18, nous avons un exemple très-frappant de la manière dont les derniers temps se présentaient à l’esprit de l’Apôtre, à l’Esprit prophétique que Dieu lui avait donné. Ces temps étaient reconnaissables à la présence du mal, de l’Antechrist, et, qui plus est, à ce que déjà dès le temps des Apôtres, les signes en étaient là. « Vous avez entendu que l’Antechrist viendra », c’était un sujet dont même les petits enfants en Christ étaient avertis. « Il y a même dès maintenant plusieurs Antechrists, et nous connaissons à cela que c’est le dernier temps ». Enfin l’Apôtre dirige l’attention des petits enfants sur la venue du Sauveur. On peut croire que la présence de l’Antechrist est un signe de la ruine, non plus des fidèles, mais de l’ensemble de l’économie et de son prochain retranchement. N’est-il pas vrai aussi que ce passage confirme le témoignage rendu à cette vérité, que le mal qui serait l’occasion du retranchement s’était introduit dès le commencement, et devait continuer jusqu’à ce que Dieu frappât le coup du jugement, qui détruirait le méchant, et que par conséquent l’économie ne serait pas rétablie. Si la patience de Dieu a supporté le mal longtemps, cela veut-il dire que le jugement soit moins sûr pour Celui auprès duquel mille ans sont comme un jour, et un jour comme mille ans, ou pour la foi qui s’attache à sa Parole seule ?

 

5.3.8        [Romains 11]

J’en viens maintenant à Romains 11.

5.3.8.1       Perte ou menaces de perte des privilèges d’une économie, soit pour les Juifs, soit pour les Gentils, tandis que les fidèles sont amenés à jouir de privilèges plus grands

Ici les raisonnements de l’auteur de la brochure sont plutôt contre l’Apôtre que contre moi. Il dit que, pour que le retranchement de l’économie ait lieu, il faut que les Juifs s’y trouvent aussi bien que les Gentils. N’a-t-il jamais entendu parler des Églises des Gentils dans la Parole ; d’un Apôtre des Gentils, d’une réception des Gentils comme corps quand les Juifs avaient été retranchés ; des Gentils sur lesquels le nom de Dieu devait être invoqué ? ... Il est vrai, que quant au principe fondamental de l’Église, il n’y avait ni Juifs, ni Gentils, parce que tous étaient regardés comme ressuscités avec Christ ; mais quant à la dispensation terrestre de l’Église, il y avait un Apôtre des Gentils et un Apôtre de la circoncision. Il y avait cette distinction : « aux Juifs premièrement, et après cela aux Gentils » [Rom. 1:16 ; 2:9,10], et c’est de cette dispensation terrestre que nous parlons.

Je crois que notre frère trouvera que la mort de St. Etienne a été l’occasion d’un grand changement à cet égard ; c’est de quoi nous parlons. Les Juifs étaient coupables alors, non-seulement parce qu’ils avaient rejeté le Fils de l’homme, mais aussi le témoignage rendu par le St. Esprit à la gloire de Jésus. L’Apôtre parle ici [Rom. 11:16-24] des branches entées sur l’olivier franc, à la place de celles qui en avaient été retranchées, il parle de la dispensation des promesses de Dieu. C’est déjà un principe important. Il parle des Gentils, comme ayant remplacé les Juifs dans la jouissance de la dispensation des promesses (voir versets 12, 13) ; parce que les Juifs avaient été retranchés de leur olivier comme économie. Il est évident que les fidèles d’entre eux n’avaient pas été retranchés de Christ, bien loin de là, ils jouissaient de sa communion d’une manière infiniment supérieure à ce qu’ils possédaient auparavant ; mais, comme économie, les branches juives avaient été retranchées. Il y a donc en dehors de l’union de Christ avec les fidèles, une jouissance de privilèges, comme dispensation, qui peut être perdue, car les Juifs comme économie l’avaient perdue. L’Apôtre nous dit, de plus, que les Gentils ont remplacé les Juifs dans cette position ; ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Apôtre. Il nous dit aussi que dans cette position ils sont responsables comme les Juifs, et peuvent être retranchés comme les Juifs l’avaient été, quoique le résidu ait joui à la suite de ce retranchement, de privilèges plus grands encore, comme les fidèles de cette économie en jouiront avec le Seigneur, en gloire pendant le règne de mille ans, quoique l’économie dans laquelle ils auront été fidèles soit terminée, c’est-à-dire, quoique Dieu ait mis fin à la dispensation actuelle, dans laquelle il se place en relation avec les hommes ici-bas.

Dans telle ou telle économie, Dieu se met en relation avec les hommes sur de certains principes, il les juge selon ces principes-là. Si ceux qui se trouvent dans cette relation extérieure ne sont pas fidèles aux principes de l’économie, quoique Dieu use de longs supports, il y met fin, tout en gardant les fidèles pour lui-même ; c’est ce qu’il a fait quant à l’économie judaïque. Eh bien ! ce chapitre nous dit que les Gentils ont été entés à la place des Juifs. Faites attention qu’en disant cela je ne raisonne pas de ce qui devrait se trouver, mais que je cite la révélation de Dieu dans ce chapitre. Le St. Esprit parle à des Gentils, il les place sous leur responsabilité, et les menace du même sort qu’Israël.

 

5.3.8.2       [Juifs retranchés comme économie, mais les conseils de Dieu sont maintenus et un résidu est épargné]

Examinons de près le chapitre : Premièrement l’Apôtre fait une distinction entre les conseils de Dieu et la jouissance des privilèges attachés à l’économie [11:7,28]. Quant aux conseils de Dieu, les Juifs devaient jouir comme nation des promesses qui leur avaient été faites en Abraham, Isaac et Jacob, malgré tout ce qui pouvait arriver, car les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance [11:29]. C’est du reste ce qui arrivera dans une autre économie, dans le monde (*) à venir [11:12]. Dans l’économie actuelle, il s’agit d’un seul corps rassemblé d’entre toutes les nations pour les lieux célestes. Mais quant aux dispensations de Dieu, les Juifs devaient être retranchés, jusqu’à ce que la plénitude des Gentils fût entrée [11:25], et la mise de côté de l’économie ne dut pas empêcher qu’un résidu ne fût épargné et sauvé, c’est ce que l’Apôtre démontre au commencement du chapitre [11:1-10].

 

(*) L’expression du monde à venir est inapplicable au ciel.

 

5.3.8.3       [Dans l’économie actuelle, on suit un Christ rejeté et la vocation est céleste. Dans l’économie de la plénitude des temps, les promesses faites aux pères s’accompliront avec Christ régnant en puissance sur la terre]

Les conseils de Dieu restent fermes quant aux Juifs, quoique l’économie judaïque soit mise de côté, et qu’un résidu ait été conservé malgré leur apostasie et leur retranchement, pour faire partie d’une autre économie. En attendant ce résidu a perdu son caractère juif, et il s’agit de l’introduction de la plénitude des Gentils, après quoi Dieu reprendra ses conseils et ses voies envers la nation juive. Mise de côté pendant cette économie, mais gardée par la puissante main de Dieu ; aveuglée par jugement, et ennemie, quant à l’Évangile, cette nation est néanmoins aimée à cause des pères. Cette réjection des Juifs est la réconciliation du monde. Les Gentils sont entés sur l’olivier franc des promesses faites aux pères, et, dit l’Apôtre, sous la même responsabilité qui avait eu pour conséquence le retranchement des branches juives. De sorte que, s’ils ne persévéraient pas dans la bonté de Dieu, ils seraient retranchés de la même manière ; ils devaient bien prendre garde de ne pas se former l’idée qu’ils ne pouvaient pas tomber comme les Juifs étaient tombés, attendu qu’ils étaient soumis aux mêmes conditions : « sévérité sur ceux qui tomberont ». Le mystère d’iniquité [2 Thes. 2], le sommeil, pendant lequel l’ennemi sème de l’ivraie [Matt. 13] ; des temps fâcheux [2 Tim. 3], l’état des chrétiens qui est semblable à celui des païens [2 Tim. 3 et Rom. 1] ; enfin l’apostasie, ou la révolte [Coré de Jude], ce n’est pas à ce qu’il me parait persévérer dans la bonté de Dieu [Rom. 11:22]. D’ailleurs l’Apôtre ne veut pas que nous ignorions ce mystère, qu’il y a une plénitude des Gentils qui doit entrer, et qu’alors Israël sera sauvé comme nation, par l’avènement du Libérateur qui sortira de Sion, et qui détournera l’iniquité de Jacob [Rom. 11:25-26]. Ainsi Israël, Jacob, la nation sera sauvée, car les conseils de Dieu ne changent pas. Mais est-ce dans cette économie ? Nullement, elle a pour premier principe l’absence du Sauveur et une vocation céleste par la présence d’un autre Consolateur [Jean 14:16] qui nous unit à Jésus dans les lieux célestes [Éph. 2:5-6], et qui, en nous communiquant son salut accompli et parfait, nous fait marcher comme des pèlerins et des étrangers ici-bas [1 Pierre 2:11], étant un seul corps avec celui qui est en haut [Éph. 2:16], combattant contre les malices spirituelles dans les lieux célestes [Éph. 6:12], et traversant un monde qui est appelé le présent siècle mauvais [Gal. 1:4], en renonçant à tout [Luc 14:33], si nous sommes fidèles, et en chargeant notre croix pour suivre Jésus dans son humiliation [Matt. 16:24]. Mais Israël sera sauvé quand le Libérateur sortira de Sion. Le monde sera béni par la présence et par le règne du Sauveur, le présent siècle mauvais sera terminé, Satan sera lié [Apoc. 20:1], la gloire de ce monde au lieu d’être un piège tendu par l’ennemi pour détourner les fidèles de leur vocation céleste, sera la gloire de Christ lui-même. La jouissance de tout ce que ce monde peut donner sera le sort des fidèles ici-bas, au lieu de la croix. Est-ce la même économie ? Au lieu de la grâce qui supporte tout, et qui en se soumettant à tout se remet à celui qui juge justement, ce sera un règne de justice qui ne permettra pas le mal, parce que Jésus aura pris sa grande puissance, et qu’il agira en roi. Oui, la présence et le règne de Jésus établiront cette différence immense. En un mot, tandis que maintenant nous avons à suivre Jésus dans son humiliation et dans sa réjection, participation précieuse à ses souffrances, afin que nous soyons glorifiés ensemble, alors ce sera la présence de Jésus régnant en puissance. Ce sera l’économie de la plénitude des temps. Les Juifs seront une nation à part, et toutes les promesses faites aux pères seront accomplies à leur égard. Je parle maintenant de la partie terrestre de cette économie, de ce qui concerne le monde et les Juifs, car de bien meilleures choses sont réservées pour ceux qui auront souffert avec Christ, et qui seront alors faits semblables aux anges, et même placés plus haut qu’eux ; de sorte que toutes choses dans les cieux et sur la terre seront ainsi réunies sous une seule tête, réunies en Un, savoir en Jésus, centre de la bénédiction, manifestation de la puissance et de la gloire du Dieu-Fort, souverain possesseur des cieux et de la terre. Non, la foi et l’espérance fondées sur la Parole ne sauraient reconnaître ce présent siècle mauvais, durant lequel Jésus est absent, comme l’économie de la plénitude des temps. Mais il y a un verset dont la traduction a aidé à cette fausse interprétation, savoir le verset 31 de Romains 11. Voici la vraie traduction : « Ainsi, eux aussi, ont été incrédules quant à la miséricorde qui vous a été faite, afin qu’eux aussi soient sujets de miséricorde, car Dieu a renfermé tous dans l’incrédulité, afin que tous soient sujets de miséricorde ».

 

5.3.8.4       [Il n’y a pas une seule économie jusqu’à la fin, mais la sagesse de Dieu a su maintenir la fidélité à ses promesses malgré l’incrédulité du peuple]

Les Juifs étaient objets de promesses, et les Gentils de pure miséricorde. Jésus est venu pour établir les promesses faites aux pères, les Juifs l’ont rejeté, et de plus ils ont refusé et rejeté la révélation de la miséricorde faite aux Gentils pour combler la mesure de leurs péchés, de sorte que la colère de Dieu est venue sur eux jusqu’au plus haut degré, 1 Thess. 2:16. Ainsi eux aussi, puisqu’ils sont renfermés dans l’incrédulité, deviennent sujets de pure miséricorde, comme les Gentils, quoique selon la chair ils soient héritiers des promesses. C’est ce qui fait ressortir les richesses de la sagesse de Dieu d’une manière à étonner nos cœurs. Je prie ceux qui s’intéressent à ces sujets de vouloir bien examiner le grec pour voir si cela peut se traduire autrement ; pour moi, rien n’est plus clair. Je ne serais pas entré dans le domaine de la critique, si notre frère n’en avait pas appelé à ce passage [Rom. 11] comme à une preuve triomphante qu’il y a une seule économie jusqu’à la fin. Pour moi, comme pour l’Apôtre, c’est un exemple magnifique de la sagesse de Dieu qui a su unir à sa fidélité envers son peuple, rendue encore plus éclatante par ce moyen, la grâce qui leur fait miséricorde comme à un peuple pécheur et coupable qui a repoussé les promesses ; sagesse qui par le moyen de cette réjection temporaire, appelle les Gentils, non pas pour être son peuple terrestre, quoiqu’ils soient éprouvés sur la terre, mais pour remplir les cieux de sa gloire. Alors, ayant rappelé son ancien peuple à la jouissance des promesses, il leur fera voir aussi bien qu’au monde qu’il a pu aimer de pauvres pécheurs comme il a aimé son Fils bien-aimé, et les rendre participants de la même gloire en vertu de leur union avec Jésus, à la louange de sa gloire. Dirai-je que c’est la même économie que la présente, où je chemine dans la tristesse quoique joyeux, en soupirant après ce beau jour où je verrai ce cher Sauveur, qui m’a aimé jusqu’à donner sa vie pour moi, et où, bonheur infini ! je lui serai fait semblable. Ne dirai-je pas plutôt : Viens bientôt, Seigneur Jésus, viens bientôt !

 

5.3.8.5       [La chrétienté sombre à son tour dans l’incrédulité et les Gentils vont être retranchés]

Enfin, notre frère dit qu’il voit une menace faite aux Gentils. Je demande une menace de quoi ? n’est-ce pas d’être retranchés ? Et maintenant jetons les yeux tout autour de nous, et voyons si les Gentils qui ont été entés à la place des Juifs, si la Chrétienté a persévéré dans la bonté de Dieu [11:22].

Il n’est pas nécessaire de parler du système Romain, quoiqu’il y ait des âmes sauvées dans ce système, on ne peut pas en douter. Nous ne parlerons pas non plus des Grecs qui subsistent à peine sous la domination des Mahométans, cette verge envoyée de Dieu, ou qui sont plongés dans la superstition d’une hiérarchie dominante. Considérons les pays où la lumière du protestantisme s’est fait jour. Ils sont pour la plupart plongés dans l’incrédulité, et c’est à peine s’il sort par-ci par-là un individu fidèle, qui combat contre l’incrédulité générale. La plupart de ceux qui sont appelés ministres ne sont pas convertis. Ce sont des pasteurs inconvertis, établis sur des troupeaux incrédules, ou qui prétendent paître aussi les vraies brebis du Seigneur, mais qui les forcent à s’éloigner. Ces ministres sont nommés, non pas par l’Esprit de Dieu, ni par l’Église de quelque manière que ce soit, mais par des autorités civiles, qui n’ont aucune charge dans l’Église, quoique tous les fidèles les reconnaissent dans ce qui regarde leurs charges civiles. Que voyons-nous en un mot ?

Les brebis du Seigneur dispersées et dissipées. C’est une assemblée de non-croyants, administrée et gouvernée par des gens qui n’ont peut-être pas même la profession du christianisme, qui est appelée l’Église. Les croyants se trouvent ordinairement confondus dans cette assemblée, et ceux qui sont en tête sont investis de la prééminence comme d’un droit civil.

 

5.4        [Être devant la ruine avec l’Esprit de Christ]

5.4.1        [Ressentir l’humiliation et les consolations, justement parce qu’on est conscient de l’unité du corps]

Comparez cet état de choses, dont je n’ai donné qu’un résumé, ces principaux traits reconnus de tous, avec ce qui est dit de l’Église de Dieu dans le Nouveau Testament, dans les Actes, dans l’Épître aux Éphésiens. Est-ce que l’économie est dans un état de chute ? Est-ce qu’elle a persévéré dans la bonté de Dieu ? est-ce que la séparation de quelques fidèles a changé cet état de choses ? — Quelle conséquence veux-je en tirer ? Une humiliation profonde de la part des fidèles, quoiqu’en dise l’auteur de la brochure. Ici il me permettra de faire une réflexion. Il se plaint de ce que je dis « nous », en parlant de l’état de l’Église, de ses misères et de sa ruine. Lui, dit-il, a été fidèle ; soit, je ne le nie pas, j’en bénis Dieu. Mais pour mon compte, pauvre et misérable que je me connais moi-même, j’aime mieux m’identifier avec les douleurs, les misères, la chute même de toute l’Église. Je désire ne pas y ajouter ma propre infidélité ; mais quand même j’aurais marché comme ces trois hommes, Noé, Daniel et Job, j’aimerais mieux dire avec l’un d’entr’eux : « Seigneur, à nous est la confusion de face, à nos rois, à nos principaux et à nos pères, parce que nous avons péché contre toi. Les miséricordes et les pardons sont du Seigneur notre Dieu ; car nous nous sommes rebellés contre lui, et nous n’avons point écouté la voix de l’Éternel notre Dieu, pour marcher dans ses lois qu’il a mises devant nous » (Daniel 9:9, 10).

Si je sais apporter peu de profit, peu de force à ce qui est tombé, du moins tout en évitant le mal, j’y apporterai mes pleurs, mes sympathies et mon témoignage, ce que l’Esprit de Christ me semble aussi apporter. Au reste la fidélité individuelle n’empêche pas qu’on sente malgré soi l’effet de l’infidélité du corps dont on fait partie.

Quoique Josué et Caleb aient à la fin moissonné l’effet de leur fidélité, ils ont éprouvé aussi pendant le trajet du désert l’effet de l’incrédulité de l’assemblée ; toutefois non pas sans recevoir des consolations et une force dans leurs cœurs, dont ne jouissait pas le reste du peuple. Les membres du même corps doivent souffrir de la misère des autres membres par amour, par l’Esprit de Christ et de charité. S’ils ne veulent pas le faire par charité, ils le font par nécessité. Quoique notre cher frère ne veuille pas dire « nous », je ne crois pas qu’il puisse échapper aux conséquences de l’état général de l’Église. Mais tout cela vient de ce qu’il a perdu l’idée de l’unité du corps, ce lien précieux de la charité.

 

5.4.2        [La puissance du temps des apôtres n’est plus là, mais Dieu maintient toujours un témoignage]

Je répète ici ce que j’ai dit dans la brochure : on oublie le besoin de puissance quand on pense qu’on peut suivre les Apôtres, parce qu’on a leurs écrits. C’est ce que l’auteur fait quand il dit : « en suivant, dans l’administration de l’Église et dans l’établissement des diverses charges, les règles que les Apôtres nous ont laissées » (page 36).

Mais n’est-ce pas qu’il y avait une puissance administrative, une force agissante dans les Apôtres, à laquelle nous ne pouvons pas prétendre ; n’y avait-il pas dans l’établissement des charges une autorité que nous ne pouvons nous arroger ? Comparez ce que l’auteur dit. Cette puissance, dit-il, Dieu ne la refuse jamais à personne, (page 85). N’y avait-il dans l’Église primitive d’autre puissance que l’obéissance aux lois apostoliques ? Je ne mets point de limites à la bénédiction de l’Église maintenant, mais ce n’est pas en reniant l’existence de la puissance qui existait alors, qu’on la retrouvera. Quand notre frère dit que si l’apostasie devait devenir générale, il devrait être prédit que l’ivraie étoufferait le bon grain ; la réponse est : ce n’est pas ce que la Parole a prédit. Quand tous adoreront la bête, sauf ceux dont les noms sont écrits au livre de vie, l’apostasie sera générale, mais l’ivraie n’aura pas étouffé le bon grain ; car Dieu ne se laisse jamais sans témoignage. Il y aura un moment, il est vrai, où le témoignage humain cessera, mais alors Dieu se rendra témoignage à lui-même par la vengeance éclatante qu’il tirera de ses ennemis.

 

6         Observations supplémentaires [points importants pour mieux comprendre la situation]

J’ai à ajouter encore quelques remarques à la suite des observations que je viens de faire sur la brochure de notre cher frère [Rochat].

 

6.1        [Deux erreurs-clés : a) nier l’unité de l’Église qui est à manifester sur terre par la présence et la puissance de l’Esprit, b) confondre l’économie actuelle avec celle de la plénitude des temps]

La chose importante à signaler, pour le bien-être de toute l’Église, c’est, en premier lieu, l’erreur fondamentale et très-grave, qui consiste à nier l’unité de l’Église de Christ, unité telle qu’elle devrait se manifester sur la terre par la présence et la puissance d’un seul Esprit pendant cette économie.

Secondement, c’est la confusion de cette économie avec celle de la plénitude des temps.

Ces deux erreurs suffisent pour obscurcir et fausser le jugement sur tout ce qui concerne l’état actuel de l’économie, et sur le sujet tout entier de l’Église de Dieu ici-bas. Pour moi, ainsi que notre cher frère, je crois voir la main de Dieu en ce qu’il a été poussé à les constater clairement, afin qu’en toute patience et charité elles soient examinées par la Parole, et que les frères, en demandant à Dieu le secours de son Esprit, jugent d’après la Parole, où est la vérité quant à ces points.

 

6.2        [Faut-il reconnaître, ou choisir et établir des dons ou des Anciens ?]

À la page 81 l’auteur dit : Choisir, nommer, établir, sont plus scripturaires que reconnaître. Reconnaître aussi est scripturaire (1 Thess. 5:12), avec cette différence toutefois que la Parole de Dieu appelle tous les fidèles à reconnaître et jamais à choisir les dons, ni même les Anciens, comme nous l’avons vu.

 

6.2.1        [Liens étroits entre un vrai pasteur reconnu comme tel, et celui qui a bénéficié de ses soins]

Il y a plus, quand on reconnaît quelqu’un, le cœur, la conscience, l’affection, le respect s’y trouvent, c’est un lien, un lien formé par l’exercice du don dans le cœur de celui qui en a profité. Le cœur qui a été béni répond à l’action du Saint-Esprit qui a eu lieu par le moyen du frère qui en est l’instrument, de sorte qu’il s’attache à l’instrument et y reconnaît Dieu ; Dieu veut qu’il en soit ainsi, et il lie les membres du corps par ces secours mutuels. C’est ce qui s’applique tout particulièrement à un pasteur dont la tâche est, selon moi, la plus difficile qui existe. Quel fort lien ne résulte pas de ce qu’on reconnaît ainsi celui qui nous a été en bénédiction, qui nous a conduit, conseillé, qui nous a averti, gardé des dangers, et nous a fait mieux connaître Dieu, notre Dieu. Le fait est que dans mon expérience, je vois qu’il y a plus de danger qu’on estime trop, que trop peu un vrai pasteur. Toutefois je vois que l’Apôtre attache un très-grand prix à ces affections.

 

6.2.2        [Un vote d’Église ne produit pas des liens d’amour comme le fait le Saint Esprit quand il agit pour produire un don]

Peut-on comparer un vote d’Église à des liens ainsi formés ? Je ne nie pas que l’autorité apostolique n’ait pu être utile en certains cas, pour donner une sanction à la charge d’Ancien. C’est ce que ne peut jamais faire le vote d’une Église, où peut-être de nouveaux convertis sont appelés à déterminer une affaire qui exige le plus grand discernement spirituel. Il n’est jamais dit qu’un Apôtre ait nommé un pasteur, attendu qu’un pasteur est un don qui vient directement de Dieu. Ils ont choisi des Anciens. C’était une charge pour laquelle le don de paître le troupeau de Dieu, d’une manière ou d’une autre, était nécessaire ou convenable. Mais ils ne pouvaient pas nommer à un don, distinction très-importante pour nous, parce que nous pouvons jouir du don, sans qu’il y ait quelqu’un pour nommer un Ancien avec autorité. Au reste, je ne mets point de bornes à ce que le Saint-Esprit peut faire à cet égard, par des conseils et une sagesse vraiment spirituelle, quoiqu’il n’y ait point d’Apôtre. Je désire que tout ce que le Saint-Esprit donne soit librement exercé à tous égards. Il ne s’agit pas ici de droit, d’autorité, mais de devoir, de charité, de ces entrailles d’amour qui se dépensent pour le troupeau de Dieu, qui désirent que tout ce que Dieu a donné soit mis en œuvre à sa place. Il n’y a point de règle pour cela. Le Saint-Esprit se légitime toujours dans son œuvre. Si quelqu’un agit contre la Parole, il est évident que ce n’est pas le Saint-Esprit qui l’a fait agir. Quand Saint Paul pria Apollos d’aller à Corinthe, et Tite de rester en Crète, ce n’était pas un règlement de l’Église ; mais la Parole nous a donné de telles choses, non pas pour que chacun puisse les suivre toujours, mais comme les traces précieuses de la marche de l’Esprit de Dieu.

 

6.2.3        [Les règles pour l’administration de l’Église ne peuvent pas toujours être suivies]

Et ici il faut encore faire remarquer ce principe, c’est que ce qui concerne la conscience individuelle, oblige toujours, et que Dieu donne toujours la force pour accomplir ce qu’il demande de la foi. Nous n’avons qu’à obéir. Mais il n’en est pas ainsi des choses qui tiennent à l’administration de l’Église, parce qu’elles supposent un certain état de choses, une puissance administrative, une force agissante à cet égard, qui n’est pas donnée à tous. Si Dieu me dit de me détourner de certaines gens, de ne pas porter un même joug avec les infidèles, cela ne regarde pas une fonction administrative, mais la fidélité individuelle. Par conséquent il y a des règles qui ne sont pas nécessairement pour tous les temps. Il ne s’ensuit pas, il est vrai, qu’il n’y ait pas d’Églises, mais il s’ensuit que l’Église ou les fidèles peuvent être dans certains cas incapables de suivre toutes les règles, quoique les règles soient là.

 

6.3        [Dans l’économie actuelle, l’essentiel à retrouver est un résidu selon l’Esprit. Quand celui-ci ne sera plus, l’économie sera terminée. Pas de remplacement provisoire par voie humaine artificielle]

Il y a encore une différence à signaler entre cette économie et l’économie judaïque. Dans l’économie judaïque les branches retranchées étaient des branches naturelles, de sorte que, quoique le péché ait été l’occasion du retranchement, ce n’était pas le péché qui les avait placées sur l’olivier franc. Mais dans l’économie actuelle, comme c’est un résidu selon l’Esprit (*) qui est de l’essence de l’économie, il est clair que l’introduction des branches sauvages a été occasionnée par le péché. Pendant que les hommes sommeillaient, l’ennemi vint et sema de l’ivraie. Du moins, si ce ne fut pas absolument le péché qui les introduisit, elles ne furent cependant jamais des branches légitimes, et elles devaient être bientôt manifestées, s’il y avait eu pleine fidélité. Mais il n’en a pas été ainsi, et par conséquent les branches doivent être retranchées à la fin, et les fidèles recueillis pour une dispensation de gloire, afin de régner avec le Seigneur mille ans, l’économie étant ainsi pleinement terminée.

 

(*) Ainsi toutes les fois que je peux retrouver un résidu selon l’Esprit, je retrouve ce qui est essentiel à la dispensation, quoique je n’aie pas tout ce que possédaient ceux qui étaient fidèles au commencement de l’économie. C’est la confusion de ces deux choses qui induit nos frères en erreur. Je reconnais ce qui est essentiel à l’existence de l’économie, là où il y a deux ou trois fidèles réunis au nom de Jésus ; mais je ne prétends pas posséder dans cet état ce que je ne possède pas de fait, et je ne veux pas le remplacer par des voies humaines. C’est ce qu’ont fait le nationalisme et la dissidence pour ne pas avoir l’apparence de désordre dans le monde.

 

6.4        [Présidence, pas d’une assemblée, ni pour le culte]

Quant à la présidence [« être à la tête » dans la version J.N. Darby actuelle, Rom. 12:8], il reste une explication à donner. Je ne trouve pas que le mot présidence soit employé dans la Parole de Dieu pour présider une assemblée. Dans cette phrase : « Que celui qui préside le fasse avec diligence », c’est le même mot qui est traduit par gouverner dans cet autre passage : « celui qui ne gouverne pas bien sa maison, comment conduira-t-il l’Église de Dieu [1 Tim. 3:5].

Ces passages se trouvent en Rom. 12:8 ; 1 Tim. 3:4, 5, 12.

Le choix des présidents ne se trouve nulle part comme nous l’avons dit. Le maintien de l’ordre convenable dans une grande assemblée, par des frères graves, comme de terminer à un temps convenable, de faire des communications aux frères, et d’autres choses semblables, rompre le pain si l’on prend la Cène, ce sont des choses auxquelles, pour mon compte, je n’ai aucune objection à faire, pourvu que le culte se fasse par l’Esprit de Dieu dans l’assemblée, et non pas par le moyen d’un président. Je ne sens pas le besoin de dire grand-chose là-dessus. Quant aux détails des circonstances, elles sont pour moi à peu près indifférentes, pourvu qu’il y ait de la gravité, de l’ordre et la liberté du Saint-Esprit dans le culte qui se fait. Je n’aurais pas tant parlé, si ce n’eût été la crainte d’être mal compris.

C’est Dieu seul qui peut nous faire arriver au but proposé.

 

7         Remarques sur le Rapport de 1841 de la Société Évangélique de Genève [Sujet du ministère — le clergé, la ruine]

[Contexte de ce Rapport : Un mouvement spirituel de réveil avait eu lieu, remettant en évidence le salut par la grâce et par le moyen de la foi. Ce mouvement avait engendré des oppositions au sein de l’Église de Genève, provoquant la destitution de plusieurs pasteurs qui se réunirent en communautés indépendantes sous l’égide de la Société Évangélique à la Chapelle de l’Oratoire dès 1834. En 1849 cette chapelle devint paroisse de la nouvelle Église Évangélique Libre de Genève.]

 

7.1        [Poursuite du sujet précédent dans ce Rapport de 1841. Des idées fausses sur le ministère]

On a mis entre mes mains le Rapport de la Société Évangélique, où le sujet qui nous occupe a été discuté aussi, dès l’entrée même des divers Rapports. Je prie Dieu de tout mon cœur, que l’œuvre dont s’occupe la Société soit bénie, quoiqu’il en soit de sa manière de la conduire. Je ne veux ici qu’attirer l’attention sur les raisonnements qu’on a faits sur le ministère, et faire voir jusqu’à quel point une fausse idée peut entraîner de vrais chrétiens. Tous, est-il dit, doivent travailler à l’avancement du règne de Dieu ; mais s’il n’y a pas de sacerdoce, il y a un ministère (page 60 du Rapport).

 

7.2        [Sens du mot ministère : un service de Dieu et des hommes ? ou le sujet de ce service, ou un clergé ?]

Faisons-y bien attention ; dans ce passage du Rapport, ministère ne veut pas dire, service rendu à Dieu et aux hommes, soit d’évangélisation, soit de soins fidèles au milieu de ceux qui ont déjà été introduits dans le bercail du Seigneur ; mais il signifie un corps d’hommes, auxquels appartient le droit d’exercer ce ministère ; des hommes qui sont, comme on le dit quelques lignes plus bas, un gouvernement dans les Églises chrétiennes. En un mot, ministère ne veut pas dire, un certain service, ou le sujet de témoignage dont ce service s’occupe (comme on pourrait dire, par exemple, le ministère de l’Apôtre, pour indiquer son service ; le ministère de l’Évangile, pour indiquer le sujet du témoignage), mais ce que l’on a faussement appelé le clergé. Je reconnais pleinement un ministère, c’est-à-dire un service rendu de la part de Dieu aux hommes, par le moyen des hommes que Dieu a suscités dans ce but ; soit que ce ministère s’exerce envers le monde, par l’évangélisation, soit qu’il s’exerce dans l’Église par des dons et des instruments convenables de tout genre. « Puisque nous avons des grâces différentes ; selon la grâce qui nous a été donnée, si c’est une prophétie, agissons selon (*) l’analogie de la foi ; si c’est un ministère, agissons dans ce ministère ; si nous sommes celui qui enseigne, agissons dans l’enseignement, celui qui exhorte dans l’exhortation, etc. » (Rom. 12:6, 7, 8, etc.) ; et St. Pierre dit aussi ; « selon que chacun de vous a reçu quelque don, employez-le les uns pour les autres, comme bons administrateurs de la grâce variée de Dieu, etc. » (1 Pier. 4:10).

 

(*) Plutôt selon la proportion.

 

Enfin, Jésus lui-même approuve comme de fidèles serviteurs, ceux qui ont trafiqué avec le don qu’il leur a commis, parce qu’ils ont assez de confiance en lui pour travailler sans autre autorisation que la communication du don ; et assez d’intelligence pour comprendre que Dieu n’allume pas une chandelle pour la mettre sous un boisseau. Mais ce n’est pas ce que signifie le mot ministère dans le paragraphe que nous venons de citer. Là, le ministère est mis en opposition avec l’œuvre de Priscille, et d’Aquille, et d’Origène, avant sa consécration. « Eux n’étaient que de simples fidèles ; mais outre cela, il y a un ministère, c’est-à-dire un clergé. Les Églises chrétiennes ont besoin d’un gouvernement ».

 

7.3        [Confusion entre clergé sacré et ministère par l’Esprit. Ce que disent plusieurs passages de la Parole]

Toute la force de cet argument repose dans la confusion qu’on fait du ministère avec le clergé sacré, avec un corps d’enseignants nommés et mis à part par les hommes.

 

7.3.1        [1 Cor. 12:28: c’est Dieu qui établit]

L’auteur du Rapport cite à l’appui, 1 Cor. 12:28 : « Dieu a établi dans l’Église ». Nous nous contenterons de ce que le Rapporteur dit lui-même ailleurs, non pas l’homme, mais Dieu. Je ne pense pas qu’il veuille faire des Apôtres, et qui est-ce qui a consacré les prophètes et les docteurs ? Mais il suffit de dire que l’Apôtre parle seulement ici de l’opération du Saint-Esprit. « Un seul et même Esprit fait toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons comme il lui plaît ». Voilà comment Dieu établit.

 

7.3.2        [Dons de l’homme ou dons de Christ ? Éph. 4, Gal. 1:1, 1 Cor. 14, Actes 8 et 11]

On cite Éph. 4:11, 12 ; mais ici je trouve que Christ a donné des dons, et nullement que l’homme ait fait un corps de ceux qui les possédaient. Je trouve que l’Apôtre dans l’Épître aux Galates, affirme comme étant sa gloire que son ministère n’était pas de l’homme, ni par l’homme [Gal. 1:1], mais par Jésus-Christ et par Dieu le Père. Qui est-ce qui a mis à part les prophètes quand il est dit : « afin que tous parlent, et que tous soient édifiés ? » [1 Cor. 14:31]. Qui d’entre les hommes consacra ceux qui, lors de la persécution qui arriva à la mort de saint Étienne, s’en allèrent partout prêchant la Parole ? [Actes 8:4 ; 11:19]. Où est-il dit que ces docteurs, que Christ avait donnés comme dons, étaient consacrés ? Quel rapport y a-t-il entre tout cela et la consécration, ou une mission de la part de l’homme ? N’y a-t-il point de différence entre le Seigneur Jésus, le Chef du Corps, qui communique des dons aux hommes par le Saint-Esprit, selon son bon plaisir, et une Académie pour élever un clergé ? Est-ce qu’on veut donc élever des Apôtres, car il en est question ici tout autant que de docteurs (*).

 

(*) Je vois en effet que le cher frère que j’ai en vue, plein d’une aimable imagination, compare l’École de Théologie aux douze qui étaient avec Jésus. Je n’avais fait attention qu’aux passages cités ; quant à cette allusion, je ne m’en occupe pas, j’y vois plus le Rapporteur que le rapport : il n’est pas nécessaire, je crois, de raisonner là-dessus (page 15 du Rapport).

 

7.3.3        [Qui prêche ? Un clergé ? Des envoyés des hommes ? Y a-t-il une consécration pour le ministère? Rom. 10, Rom. 12, 1 Cor. 4, Col. 4, Matt. 25]

Quelle confusion extraordinaire se trouve dans l’esprit de l’homme, dès l’instant qu’il veut être quelque chose. Examinons les autres passages cités Rom. 10:14, 15 : « Comment prêchera-t-on, sinon qu’il n’y en ait qui soient envoyés ? Oh ! que les pieds de ceux qui annoncent la paix sont beaux ». Est-ce donc un clergé, sont-ce les hommes qui ont envoyé l’Apôtre et d’autres prêcher l’Évangile dans ces temps-là ? Est-ce que l’Apôtre s’est trompé, quand il a dit : Non de l’homme, ni par l’homme, mais par Jésus-Christ ? [Gal. 1:1]. N’était-il pas donc un de ces envoyés ? Quelle singulière satisfaction intérieure de soi-même n’a-t-on pas, lorsqu’à envoyés, on ajoute, envoyés des hommes, et que Dieu se trouve ainsi exclu de ce beau privilège et des prérogatives de sa grâce. Enfin, qui est-ce qui dit ici que ce sont les hommes qui doivent les envoyer ? Rom. 12:6-8. Pas un mot de consécration pour le ministère ; au contraire, il est dit que chacun doit agir selon le don qui lui a été confié. « Que chacun nous tienne pour ministres de Christ et pour dispensateurs des mystères de Dieu » (1 Cor. 4:1, 2). Parce que je dois considérer l’Apôtre comme ministre de Christ, s’ensuit-il de là qu’il doit y avoir un clergé dans l’Église de Dieu ? Je suis peut-être d’une conception lente, mais je ne vois aucune conséquence dans ce raisonnement, quoique je reconnaisse bien l’Apôtre pour être ce qu’il dit. Mais le Rapporteur tient-il le clergé dont il s’est séparé, pour être ce que l’Apôtre était ? Sinon il s’agit évidemment de tout autre chose ; Dieu avait envoyé l’Apôtre, il était nécessaire de le reconnaître comme tel ; mais si l’on veut chercher comment, on n’aura pas de la peine à discerner dans cette Épitre même, que ce n’était pas parce qu’il avait été envoyé et consacré par les hommes, Col. 4:17 : « Dites à Archippe, prends garde à l’administration que tu as reçue en notre Seigneur, afin que tu l’accomplisses ». Qui est-ce qui dit qu’Archippe avait reçu ce ministère par l’intervention des hommes... ? Je trouve dans la Parabole des talents, Matt. 25, que la fidélité se trouvait en ce qu’ils avaient agi sur leur propre responsabilité, sans attendre autre chose que la communication du don de la part de Christ, parce qu’ils avaient une juste confiance dans la bonté de leur Maître et l’intelligence de sa volonté. Celui qui avait voulu quelque autre garant, fut condamné par sa propre bouche [Matt. 25:24-26 ; Luc 19:22]. Je ne place pas du tout les hommes consacrés dans cette catégorie ; je parle seulement du grand principe, car plusieurs d’entre eux ont travaillé fidèlement dans la sphère qu’ils s’étaient donnée, et même ont agi en bonne conscience à cet égard. Peut-être se trouvent-ils un peu du nombre de ceux qui ont remis leur argent au banquier.

 

7.3.4        [Imposition des mains pour recommander à la grâce de Dieu, pas pour transmettre un ministère autorisé par les hommes]

Au reste, pour mon compte, je n’ai pas un mot à dire contre l’imposition des mains en elle-même. Je ne parle pas de cette imposition des mains qui conférait des dons, mais de celle qu’on peut donner à tout frère approuvé dans le règne de Dieu, qui a agi sur sa propre responsabilité, et avec la connaissance de la grâce de Dieu, seul vrai motif que Dieu reconnaisse, et qui désire être recommandé à la grâce de Dieu, pour une œuvre spéciale ; dans ce cas cela est très-bien. C’est ce qui arriva à saint Paul, qui reçut l’imposition des mains par des laïques (comme l’on dit), non pas pour être autorisé ni pour être placé parmi le clergé, mais pour être recommandé à la grâce de Dieu. Il parait même que cela a été répété, comp. Actes 15:40, et 14:26, avec 13:3. C’est là une chose très-précieuse, mais tout à fait contraire à un ministère transmissible et autorisé par les hommes, dans lequel on est introduit par l’intervention de l’homme, par son éducation préparatoire, comme si c’était un état.

 

7.3.5        [Le choix de frères par l’Église en Actes 6 et 2 Cor. 8 ne se rapporte qu’à l’administration d’argent]

Continuons l’examen des passages. Le Rapporteur ne cite qu’un passage de plus que nous allons voir bientôt. « Et ceux qui se rapportent aux choix que faisaient les Églises, de ceux auxquels quelque ministère était confié » (à la fin de la page 60 du Rapport). Quelque ministère était confié ! je suis étonné ! — quelque ministère ! Est-ce que les Églises ont choisi des Apôtres, des prophètes, des docteurs, des évangélistes ? Il y en a, il est vrai, qui ont dit, je suis de Paul, de Céphas, d’Apollos [1 Cor. 1:12] ; d’autres qui ont eu des oreilles chatouilleuses [2 Tim. 4:3].

De quoi s’agit-il donc dans les passages cités ? rien que de tables et d’argent [Actes 6 et 2 Cor. 8].

Les Apôtres, parce qu’ils avaient le ministère de la Parole, qui était l’objet non pas du choix des hommes mais de celui de Dieu, demandèrent qu’on choisît des hommes pour administrer l’argent que l’Église leur avait confié, parce qu’il ne convenait pas que ceux qui avaient le Ministère donné de Dieu, le quittassent pour vaquer à des affaires temporelles. De même l’Apôtre jaloux de rechercher les choses honnêtes même devant les hommes, ne voulut pas prendre l’argent à moins qu’il n’y eût quelqu’un choisi de la part de l’Église, et qui s’en chargeât avec lui, « nous donnant garde, dit-il, que personne ne nous reprenne dans cette abondance qui est administrée par nous, et procurant ce qui est bon, non-seulement devant le Seigneur mais aussi devant les hommes ». Quelque ministère ! (2 Cor. 8:20).

 

7.3.6        [La gloire du ministère de la justice en 2 Cor. 3 s’applique à la gloire du Seigneur dans la personne de Jésus Christ, non pas à un clergé]

J’ai réservé encore une citation parce qu’elle nous est présentée au long, et je doute qu’il se trouve parmi les fauteurs même du Papisme, une idée si monstrueuse, si étonnante sur ce sujet. Souvenons-nous que le sujet qui est en question, c’est l’institution d’un ministère, d’un Corps d’hommes mis à part pour ce service, du clergé enfin.

« Si le ministère de condamnation a été glorieux, le ministère de la justice le surpasse de beaucoup en gloire ; car, ajoute l’Apôtre, si ce qui devait prendre fin a été glorieux, ce qui doit toujours subsister l’est bien davantage », 2 Cor. 3 [v. 9-11].

J’assure que j’ai lu et relu ce passage et le paragraphe où il est cité, croyant me surprendre en quelque confusion d’esprit, parce qu’il me semblait impossible qu’un Chrétien pût faire une telle application. Mais non, la chose est telle. Selon le Rapport, le clergé, le ministère que Dieu a établi pour la primitive Église, est la gloire qui est permanente ; ce n’est pas du sujet de son ministère dont parle l’Apôtre, en contraste avec la condamnation et la mort prononcée par la loi, à la gloire de laquelle, par conséquent, l’homme ne pouvait pas regarder ; ce n’est pas la gloire du Seigneur à face découverte dans la personne de Jésus-Christ ; non, c’est le ministère établi, c’est le système ministériel, c’est une classe d’hommes à part, un clergé ; c’est là cette glorieuse chose qui doit subsister ! Peut-on aller plus loin !

 

7.3.7        [L’imposition des mains n’est pas un préalable au ministère]

Quand même les Anciens auraient été soumis à l’imposition des mains, ce qui n’est jamais dit, où a-t-on vu que ceux qui exerçaient le ministère y fussent assujettis ? Où se trouve cette idée que ce n’était que les Anciens seulement qui pussent exercer le ministère ? On aurait bien de la peine à prouver un tel système par la Parole, aussi n’est-elle pas citée ; j’en appelle aux citations déjà faites par le rapporteur sur le sujet du ministère. « Il dit qu’il est défendu aussi de prendre des ministres parmi les nouveaux convertis ». Cela est dit des Anciens, des Évêques, mais non pas des Ministres ; la confusion de ces deux choses est parfaitement antiscripturaire, bien que les Anciens aient dû être propres à enseigner [1 Tim. 3:2 ; Tite 1:9]. Mais qui aurait pu croire qu’on viendrait prouver qu’il était défendu de prendre des Ministres parmi les nouveaux convertis, tandis qu’on élève des jeunes gens pour le ministère, et qu’on en fait des Anciens ou des Évêques par la consécration des hommes, dès qu’ils ont achevé leurs études ! Où est-il dit dans les passages auxquels on fait allusion, et dans lesquels se trouvent indiquées les qualités que doivent posséder les Évêques, « qu’ils dussent recevoir solennellement l’imposition des mains de l’assemblée des Anciens ? » Quand Tite a été envoyé pour établir des Anciens dans chaque ville, de quelle assemblée d’Anciens a-t-il reçu l’imposition des mains ?

Il est assez remarquable que, quoiqu’on ait imposé les mains pour toutes sortes de cas, comme pour la bénédiction des enfants, sur les malades, sur un Apôtre, pour communiquer le St. Esprit à tous les fidèles, ou pour un don spécial comme à Timothée, enfin sur ceux qui étaient choisis pour être Diacres, et qu’ainsi il est probable qu’on imposa les mains aux Anciens, lorsque tout était en règle ; il est, dis-je, remarquable, que la Parole s’en taise absolument. Je ne doute pas, pour mon compte, que comme Dieu avait prévu l’abus qui existerait quant à la Vierge Marie, et que dans sa grâce il nous [la] montre toujours comme repoussée par le Seigneur Jésus pendant son ministère, de même, Dieu prévoyant aussi l’abus d’un usage, qui probablement existait au commencement, s’est tu absolument sur ce sujet, afin que le clergé, dont le système lui était pré-connu comme toutes choses, n’eût jamais l’apparence de son autorisation pour se faire une classe à part, (*) et par ce moyen s’exalter comme s’ils étaient le ministère de Dieu. Nous savons ce qui en a été.

 

(*) Le mot clergé vient d’un mot qui se trouve en 1 Pierre 5:3, qui veut dire lot ou héritage : « non pas comme exerçant la domination sur des héritages, mais comme des exemples du troupeau ». Le mot traduit par héritage est en grec cleron ; on en fait clergé, et on l’applique au Corps ecclésiastique pour en faire l’héritage du Seigneur et le gouvernement des Églises, tandis qu’on voit dans le passage un avertissement contre une pareille conduite.

 

Quant aux circonstances qui ont donné lieu à l’exposé du principe que nous commentons, je ne m’en mêle pas ; je m’occupe purement des principes. Il pourra peut-être paraître extraordinaire de commenter sur un Rapport. Ma réponse est qu’il n’est pas seulement un Rapport, mais une attaque directe contre certains principes, et l’exposition d’autres principes qu’on donne comme plus bibliques ; c’est là un sujet convenable de discussion.

 

7.4        [Résultats absurdes de la consécration humaine en contraste avec la sagesse de Dieu]

Il y a dans le Rapport même un effet singulier et frappant des principes qui y sont exposés.

M. un tel, ministre du St. Évangile.

M. un tel, Évangéliste.

C’est un peu comique : voilà des Évangélistes qui ne sont pas ministres, je suppose selon Éph. 4:11, 12, cité p. 61 du Rapport ; des ministres du St. Évangile qui ne sont pas évangélistes, et qui plus est, des Évangélistes qui ne sont pas des ministres du St. Évangile ; c’est la consécration de l’homme qui fait cette distinction bizarre. Que Dieu fasse que les uns et les autres soient de bons Évangélistes et de bons ministres du St. Évangile ! Mais que la sagesse de l’homme est folie devant Dieu ! et que la folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes ! Grâces lui soient abondamment rendues de ce qu’il daigne bien passer par-dessus les petitesses de la folie de l’homme, et bénir selon sa grâce souveraine, ceux qu’il envoie. Aussi je le prie que, dans sa grâce, il préserve de l’orgueil qui s’attache à une distinction humaine, ceux qui non contents d’être évangélistes de sa part, se sont faits par les hommes ministres du St. Évangile.

 

7.5        [Ne pas distinguer un ministère de prédication d’avec un ministère des sacrements (la Cène)]

Hâtons-nous de trouver pourtant quelques roses au milieu de ces épines. Je cite un autre [point du] Rapport : « Vouloir distinguer ici, comme on le fait trop souvent parmi nous, le ministère de la prédication et celui des sacrements (comme si l’un de ces ministères, exercé sans l’autorisation du clergé, constituait plus que l’autre une séparation), c’est aller au-delà de l’Écriture et contre l’Écriture » (page 26 du Rapport). Je ne cite pas ces paroles du cher frère rapporteur pour faire croire qu’il est d’accord avec les principes de ma brochure. Il est assez clair qu’il ne l’est pas. Je prends les paroles telles qu’elles sont (*), comme un témoignage qui perce, à force de circonstances, à travers les préventions qu’ont produites de longues habitudes et certaines formes d’études. Je me réjouis d’être d’accord avec lui, et de ce que le mal que le clergé a fait selon lui l’a forcé à mettre dans son vrai jour cette vérité, que la célébration de la Cène n’est pas plus une séparation que la prédication. Je tire la même conclusion pratique (je ne dis pas théorique) que l’auteur du Rapport ; quand je me trouve autorisé à prêcher à part, je me trouve autorisé à communier à part. C’est un principe, selon moi, parfaitement juste. Je ne doute pas que le rapporteur n’exigeât quelquefois d’autres conditions pour la prédication que celles que j’exige moi-même ; je ne veux pas du tout lui faire dire ce qu’il ne dit pas. Je prends le principe tout nu et je dis que distinguer ces deux choses, comme on l’a fait trop souvent parmi nous, c’est aller contre l’Écriture, attendu que si je suis autorisé à prêcher à part, je suis autorisé à célébrer la Cène à part ; qu’on en prenne note. J’admets avec lui que ces deux démarches sont très-graves, et je suis sûr qu’il ne désire pas se séparer du nationalisme, ni par l’une, ni par l’autre. Je le laisse juger pour lui-même si c’est se séparer de l’Église. Je n’insiste que sur le point qui est contenu dans cette phrase : prêcher la Parole et distribuer la Cène sans l’autorisation des gouverneurs ecclésiastiques, lorsqu’ils sont dans le désordre. J’ajoute ce qu’il nous donne de Bénédict Pictet : « La vérité de la foi, la pureté du culte, la soumission à Christ, constituent l’être de l’Église. Conserver ces choses, c’est donc conserver l’unité de l’Église ».

 

(*) Comme Tertullien, qui a dit : « Ô témoignage d’une âme naturellement chrétienne ! »

 

7.6        [Confondre les ministères autorisés par les hommes et les ministères du corps de Christ amène ceux-ci à disparaître ou à s’opposer]

Nous en avons assez dit pour répondre à la citation que fait le même rapporteur de l’Épître aux Éphésiens. Un seul ministre, nommé par les hommes, est une chose bien éloignée de la diversité de ministère, qui se trouve dans le corps de Christ ; un tel homme, en général, ensevelit tous les autres dons, à moins qu’ils ne se manifestent malgré lui. C’est cette confusion qu’on fait entre un ministère autorisé par les hommes et le ministère du corps de Christ, qui a produit tant de confusion dans la pratique, et qui en éliminant tout autre ministère que celui qui se trouve dans le seul ministre, a forcé tous les autres ministères à se trouver dans une espèce d’opposition. Cependant les moyens irréguliers, comme on les appelle, se sont un peu régularisés, malgré les moyens réguliers, de sorte que nous avons des Évangélistes reconnus, qui ne sont pas ministres de l’Évangile, même des docteurs, et une Cène à part, sans qu’il y ait séparation de l’Église.

Communiquer à des hommes fidèles ce que l’on a appris, est une chose très-importante ; mais il y a toujours cette confusion, que par le ministère on entend toujours un corps ecclésiastique, des autorités ecclésiastiques. Il n’est pas dit ici que Timothée (2 Tim. 2:2) devait conférer des charges, mais communiquer la vérité ; comme aussi il devait empêcher à certaines personnes de prêcher d’autres doctrines ; il était appelé à veiller sur la doctrine, et à la communiquer à des personnes fidèles, capables d’en enseigner d’autres.

 

7.7        [La ruine, sa réalité et ses conséquences]

7.7.1        [L’Église actuelle n’est pas dans une condition semblable au temps des apôtres]

Le rapporteur dit qu’il est évident que ces principes (ceux de la ruine de l’Église) sont faux, parce qu’il « est facile de voir que la condition des Églises de Rome, d’Éphèse, de Galatie, de Corinthe, était telle que la nôtre ». Est-ce qu’il croit donc qu’il était du devoir des fidèles d’avoir une Cène à part, à cause de la condition de ces Églises, comme il croit que c’est son devoir à lui, d’avoir maintenant une Cène à part ? [allusion à la séparation des églises libres d’avec les églises nationales]. Était-ce la condition de ces Églises d’avoir leurs pasteurs nommés par les autorités civiles, peut-être par des incrédules ? Est-ce que la domination du Pape n’a rien changé à l’état de l’Église ? Que veut-il dire par « la nôtre » ? l’Église de Genève, où il ne peut pas prendre la Cène ? l’Église de Rome, qu’il combat de toutes ses forces ? Où était l’Église d’entre ces Églises citées de la Parole, quelque égarée qu’elle fût dans la pratique, ou la doctrine qui ouvrit « les portes pour admettre à la Cène tous ceux qui, dans l’Église, se reconnaissaient entièrement perdus par leurs œuvres et entièrement sauvés par Jésus-Christ ? » Je trouve un peu fort, de la part du Rapporteur, de dire, dans les circonstances actuelles, que les Églises étaient, du temps des Apôtres, dans la même condition que la sienne !

Le Rapporteur nous donne, de plus, un sommaire de doctrines évangéliques, sur lesquelles nous sommes, grâce à Dieu, parfaitement d’accord, comme en bien d’autres choses précieuses, pour le temps et pour l’éternité ; puis faisant le contraste avec [mettant en contraste] l’erreur opposée, il dit : « tel a été dans tous les temps le langage des Églises déchues et de toutes les fausses religions. Telles ont été les doctrines de l’Église professante tout entière ; donc c’était une Église déchue. Il n’y a eu que des séparatistes persécutés qui aient gardé le bon dépôt de la foi[ »].

L’Église, comme corps, est en ruine. C’est ce que je dis. Dans quel état était le protestantisme il y a quelques années, et maintenant même encore dans plusieurs endroits, quant à la doctrine ? un scandale, même à un membre pieux de l’Église de Rome !

Le bien s’est un peu introduit, mais c’est malgré l’Église ; j’en appelle à l’Oratoire [lieu de naissance de l’église évangélique libre de Genève]. L’Église, oui l’Église du Rapporteur est, selon lui, en ruine. Sa position le démontre.

« Tel est », dit-il (en parlant d’un enseignement réprouvé, comme indigne du nom même de Socinien), « tel est l’enseignement qui se donne dans Genève, depuis un quart de siècle, et cela sans qu’aucune voix de réclamation s’y soit élevée, si ce n’est celle des hommes qu’on y a publiquement poursuivis par des sentences judiciaires. N’avions-nous donc pas raison de dire que nos circonstances étaient inouïes ? » Comment, inouïes, si la condition est la même que celle de l’Église d’Éphèse. « La religion de Rome même n’est pas si funeste aux intérêts éternels de l’humanité », « et tout cela avec la sanction des Autorités » ; et l’on ose dire : la condition de notre Église est telle que celle de Rome, d’Éphèse, etc. ! Et ce n’est pas une Église déchue !

 

7.7.2        [Dieu établit des dons malgré tout, la force du Saint Esprit ne défaut pas. L’infidélité de la masse des professants influe sur la forme de l’activité de l’enfant de Dieu, jamais sur le fond]

Je prie notre frère de bien croire que je ne dis pas ici un mot de sa position ; ce n’est pas ici que je dois la discuter. Je cite tous ces aveux, parce qu’il blâme hautement cette doctrine, que l’Église est dans un état de déchéance, et qu’il me semble qu’il le démontre lui-même. C’est là tout ce dont je m’occupe dans ce Rapport. Que Dieu bénisse l’œuvre de ceux qui prêchent le Seigneur Jésus, voilà ma prière. Le Rapport discute des principes, je les discute aussi, et je m’arrête en faisant remarquer qu’il y a toute la différence possible entre « préparer à l’Église des personnes fidèles », tâche qui me parait un peu difficile pour l’homme, et « communiquer à des personnes fidèles » les vérités qu’on a apprises, afin qu’il y ait une digue contre l’erreur, et en rappelant la remarque très-importante du Rapport de l’Évangélisation. La Parole de Dieu a tranché la question. « Dieu, dit l’Écriture (1 Cor. 12:28), remarquez bien ; Dieu, et non pas l’homme ; Dieu a établi dans l’Église, premièrement des Apôtres, ensuite des prophètes, en troisième lieu des docteurs ». Eh bien ! que ce soit Dieu et non pas l’homme qui les établisse, et nous serons contents.

Je désire, en terminant, me rappeler, ainsi qu’à ceux qui parcourront ces pages, que le Saint-Esprit est toujours avec nous ; que sa force ne défaut pas. L’infidélité de la masse des professants peut influer sur la forme de l’activité de l’enfant de Dieu, jamais sur le fond. Elle peut lui donner plus de tristesse quelquefois, il peut en éprouver plus d’isolement, mais cela ne peut empêcher qu’il soit fidèle. Cette infidélité de la masse peut bien changer les circonstances au milieu desquelles il travaille, et ainsi en modifier les effets, mais elle ne peut pas altérer la fidélité de celui qui y travaille ; au contraire, le moment où le mal est à son comble, est ordinairement celui de la plus grande fidélité des chrétiens ; nous l’avons déjà dit dans la brochure sur la formation des Églises, Élie, Samuel, Moise et d’autres en sont les témoins.

 

7.7.3        [Le sentiment de la ruine amène à travailler davantage, spécialement pour évangéliser et pour les soins pastoraux]

Au reste, le devoir d’évangéliser est toujours là ; la responsabilité de ceux qui ont des soins pastoraux à donner est toujours la même, et l’amour chrétien poussera, ceux qui sont remplis de l’Esprit de Christ, à s’en occuper. La conviction que l’Église est en chute et que le monde va être jugé, ne fera que donner plus d’activité, afin que ceux qui ont des oreilles pour entendre, entendent et soient sauvés de la génération perverse dont l’iniquité amènera bientôt des conséquences si terribles ; savoir, la juste colère d’un Dieu de patience, la colère de l’Agneau. Travaillons, bien-aimés, pendant qu’il fait jour ; la nuit viendra, où personne ne pourra plus travailler. L’amour de Christ est le meilleur guide pour nos devoirs de chaque jour.

 

8         Appendice [L’unité de l’Église sur la terre est une manifestation de la gloire de Christ. La ruine s’y oppose et on doit faire des mises en garde]

8.1        [Un argument niant l’unité de l’Église sur la terre s’appuie sur ceux qui sont au ciel et ceux qui ne sont pas nés]

Je désire ajouter quelques mots au sujet d’une objection, ou plutôt au sujet d’un point de vue sous lequel on peut envisager une partie de l’argumentation de ma brochure, pour lui ôter de sa force. La réponse à cette objection se trouve déjà dans le raisonnement même. Toutefois, j’en dirai un mot. Voici la difficulté : On admet que Dieu a mis dans l’Église des Apôtres, des Prophètes, etc. ; mais, dit-on, c’est dans le corps de Christ, dans l’Église dont une partie est déjà dans le ciel, une autre, dans le combat, et une troisième enfin n’est pas encore manifestée ; par conséquent, on ne peut pas parler d’une unité de l’Église sur la terre.

Voici ma réponse.

 

8.2        [L’unité de l’Église a existé sur la terre au commencement de l’économie actuelle, pour la gloire de Christ]

On ne peut pas nier qu’il n’y ait eu une manifestation de ce corps et de l’unité de ce corps sur la terre au commencement de l’économie actuelle.

Les Apôtres et les Prophètes n’exerçaient pas leur ministère dans le ciel, quoiqu’il y fût en spectacle aux anges ; et les fidèles qui composaient cette unité, ce corps, étaient tous sur la terre. Le fait une fois admis, l’objection perd toute sa force, ou plutôt elle devient un argument en faveur de la vérité sur laquelle j’insiste ; car l’unité bénie et puissante qui existait alors, n’existe plus. J’ai seulement voulu aborder la question par rapport à la conscience de ceux qui forment maintenant l’Église de Dieu sur la terre, et non à l’égard des conseils de Dieu.

Si l’on considère attentivement cette objection, on verra qu’elle fait ressortir davantage l’idée de l’unité de l’Église, comme corps sur la terre pendant cette économie. Si l’on ne prend pas l’unité de l’Église, dans le sens de société ici-bas, mais seulement dans celui d’assemblée des élus en salut éternel, il est alors évident qu’une portion considérable de l’Église était déjà dans le ciel quand l’économie présente a commencé. Ce commencement a eu lieu, et les Apôtres ont été donnés, aussi bien que les autres dons, comme résultat et manifestation de la glorification de Christ « à la droite du trône de la Majesté dans les cieux » (Héb. 8:1). L’unité dont je parle est donc une unité produite par l’envoi du St. Esprit ici-bas, depuis que Christ a été glorifié ; elle n’a existé qu’après l’envoi du St. Esprit, comme résultat de sa mission. Il s’agit évidemment d’autre chose que de l’unité de tous les élus dans le ciel ; car une grande portion de ces élus était déjà sauvée, et loin de la terre, quand a commencé l’unité dont il est question. C’est donc une unité qui appartient à l’économie actuelle, dont le St. Esprit, envoyé d’en-Haut, devrait être la force ; c’est une unité qui a dû agir sur le monde, et par conséquent être vue du monde. Qu’ils « soient un », dit le Sauveur lui-même, « afin que le monde croie, etc. » [Jean 17]. Et la manifestation de l’Esprit s’appliquait en effet au bien-être du corps ici-bas. De plus, cette unité était visible au commencement de l’économie, tous les Saints manifestés en faisaient partie, « Les jointures du fournissement » [Éph. 4:16] agissaient toutes dans l’unité du corps sur la terre. Mais, dit-on, cette unité du corps a dû nécessairement cesser, puisque plusieurs de ceux qui en faisaient partie sont allés au ciel. En parlant ainsi, l’on admet que l’unité a eu lieu ; car si elle a cessé, elle a donc existé une fois. Oui, il y a eu ici-bas une manifestation de l’unité du corps par la puissance du St. Esprit l’exerçant dans toutes « les jointures du fournissement » ; ces « jointures du fournissement » existaient et agissaient, et si quelque jointure ne fonctionnait pas bien, le St. Esprit agissant par les Apôtres, y remédiait, quoique Jésus ne fût pas sur la terre ; « Voulez-vous que je vienne, dit St. Paul, avec une verge, ou dans l’Esprit de douceur ? » Ainsi, la gloire de Christ n’était pas dans la poussière ici-bas. L’Église remplie du St. Esprit, une et unie, réfléchissait, au milieu des ténèbres de la nuit du monde, la gloire de ce soleil caché, de Jésus son bien-aimé Sauveur. Cette manifestation de la gloire de Christ par l’Église dans l’unité, n’existe plus.

Est-ce là une chose indifférente ?

 

8.3        [La croix conduisait à la gloire, et la gloire de Christ se manifestait dans l’unité de l’Église. La disparition de cette unité visible est un sujet de profonde humiliation quant à la gloire de Christ]

Pour moi c’est un sujet de pleurs et d’humiliation profonde. La gloire de Christ, présente pour ainsi dire, dans l’Église, par la puissance du St. Esprit, jetait toute sa lumière sur la croix, toute sa clarté sur le péché et sur le monde. La croix, qui commençait la vie chrétienne, terminait la vie et l’espérance du monde, mais elle brillait de toute la clarté de la gloire à laquelle elle conduisait et qui devait être sa couronne. C’était là les deux termes de la vie chrétienne. Tout le reste, l’entre-deux ne faisait que passer. On était facilement étranger et pèlerin là où la croix et la gloire s’unissaient pour mettre dans son vrai jour le monde qui avait crucifié le Seigneur de gloire ; là où le monde n’était pour le cœur que le tombeau vide de Christ ; pour la charité, que la scène, d’un témoignage rendu à une gloire et à un amour qui faisaient ardemment désirer qu’il vînt bientôt. En est-il ainsi maintenant ? Est-ce qu’on est uni comme au commencement ? Est-ce que ce témoignage de dévouement existe encore ? Est-ce que la gloire et la venue de Christ sont tellement présentes à l’Église, que tout sacrifice lui soit facile, que la croix lui soit légère, que les richesses de ce monde ne soient pour elle qu’une occasion donnée de Dieu pour rendre témoignage à son amour, que des richesses iniques dont on se débarrasse comme d’un fardeau, pour les verser dans les trésors de Christ, afin qu’elles en sortent transformées et purifiées dans les fleuves de sa charité ? Dois-je être satisfait quand on me dit que l’unité dans le sein de laquelle tout cela se manifestait, ne peut plus exister, parce que les premiers chrétiens qui en faisaient partie sont morts ? Mon cœur et ma conscience devraient-ils se contenter d’une pareille réponse ? Chers frères, vos cœurs en sont-ils satisfaits ? S’ils le sont, je ne raisonne plus. Si la manifestation de la gloire de Christ en nous et par nous sur la terre, dans son corps qui est l’Église, ne vous touche pas, je n’ai plus rien à vous dire. Il n’y a plus de raisonnement pour l’Esprit de Dieu, si le cœur est indifférent à tout cela. Mais si c’est seulement la connaissance qui vous manque, que Dieu veuille bénir mes paroles pour votre cœur.

 

8.4        [La doctrine de l’unité de l’Église comme corps sur la terre tient de près à la doctrine de la présence du St. Esprit ici-bas unissant les chrétiens]

La doctrine de l’unité de l’Église, comme corps, soit au commencement, soit pendant toute la durée de l’économie, tient de près à la doctrine de la présence du St. Esprit ici-bas. S’il unit les membres qui sont sur la terre à ceux qui sont délogés, n’est-il pas aussi vrai qu’étant sur la terre quant à l’ordre des dispensations, il unit nécessairement tous les chrétiens qui sont sur la terre en un seul corps ? Il est parfaitement certain que c’est ce qu’il a fait au commencement.

 

8.5        [Il faut avertir sur l’apostasie (ou ruine), car elle s’oppose à la manifestation de la gloire de Dieu]

L’objection que nous discutons admet cette vérité [que le Saint Esprit unit les chrétiens sur terre en un seul corps]. Si donc le St. Esprit n’unit pas maintenant les enfants de Dieu en un seul corps ; si cela est impossible pour quelque raison que ce soit, il est évident que l’état de choses établi de Dieu sur la terre, comme moyen de manifester sa gloire et comme instrument de témoignage, a cessé d’exister. Vous pouvez l’appeler de quel nom vous voudrez, chute, ruine, apostasie. C’est un fait des plus graves, de la plus haute portée dans le royaume et dans les dispensations de Dieu. Si l’Esprit Saint nous donne de pénétrer l’enveloppe du mystère d’iniquité, et qu’ainsi avant la pleine manifestation de l’apostasie au monde, nous disions voilà l’apostasie (*) ; il me semble que condamner l’application anticipée de ce terme, à ceux qui marchent dans l’esprit d’apostasie et qui seront l’apostasie quand le voile sera ôté ; il me semble, dis-je, que cela est moins profitable et moins vrai que d’avertir l’Église des circonstances dans lesquelles elle est placée. Si l’on trouvait une plante qui produisît des fruits vénéneux, mais qui ne fût pas encore dans la saison des fruits, et que l’on dise à une personne ignorante : Cette plante porte des fruits vénéneux, faites-y bien attention ; ne lui serait-on pas plus en bénédiction que si on lui avait dit : Voyez cette plante, elle ne porte point de fruits vénéneux. Dans le premier cas, on aurait peut-être fait une observation inexacte, moins logique que dans le dernier cas, mais serait-elle moins vraie, moins opportune ?

 

(*) Comme Jude a dit : « ce sont ceux desquels Énoch a prophétisé. Le Seigneur viendra exercer le jugement sur ceux qui lui ont dit des outrages », quoiqu’ils fussent encore cachés au sein de l’Église où ils s’étaient glissés.

 

8.6        [La doctrine de la présence du Saint Esprit dans l’Église (et produisant son unité) ne contredit pas son omniprésence comme Dieu]

Pour que la force de l’unité produite par le St. Esprit soit mieux comprise, je rappellerai un fait. Lors de sa venue, Jésus, comme Fils de l’homme, était corporellement ici-bas, bien que comme Dieu il fût présent partout. Toutes les voies de Dieu, sur la terre, se rattachaient à ce grand fait : il en est de même du St. Esprit. Jésus, lors de son départ, « promit un autre Consolateur ». Cette promesse s’accomplit peu de jours après, et le St. Esprit descendit sur les disciples, quoiqu’il fût présent partout en tant que Dieu. Selon la dispensation de Dieu, le St. Esprit demeure maintenant aussi personnellement dans l’Église de Dieu sur la terre. Toutes les voies de Dieu se rattachent à ce grand fait, la présence du St. Esprit dans l’Église. L’Esprit rend un témoignage vivant à la gloire, du Fils de Dieu, comme le Fils lui-même glorifiait le Père pendant son séjour ici-bas.

Cette doctrine de la descente du St. Esprit et de sa présence sur la terre, a évidemment la plus haute portée dans la question de l’unité de l’Église.

 

8.7        [La souffrance réciproque des membres est une preuve de l’unité de l’Église sur la terre]

Je ne cite pas de nouveau les passages de l’Épître aux Éphésiens, et de celle aux Corinthiens déjà cités plus haut. Au commencement, le Seigneur ajoutait à l’Église ceux qui devaient être sauvés [Actes 2:47]. Je ferai seulement remarquer l’expression « si quelque membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » (1 Cor. 12:26). Cette expression n’est guère applicable aux membres du corps de Christ qui sont déjà dans le ciel. Ou ce principe de charité ne trouve plus son application, ou l’Église a encore une unité sur la terre, et doit être envisagée comme un corps qui a plusieurs membres, mais dont les membres de ce corps qui n’est qu’un, quoiqu’ils soient plusieurs, ne sont qu’un corps (1. Cor. 12:12). Mais dans son état actuel, ce corps est imparfait, délabré, ruiné, si l’on veut. Dire cela, c’est ne donner qu’une preuve de plus de la ruine dont j’ai parlé, preuve dont la portée n’est guère estimée, je crois, de ceux qui la mettent en avant.

 

8.8        [L’apostasie est un mot utilisé par l’Écriture. Jude dénonce les personnes. L’Écriture en donne des exemples dans toutes les économies]

Le mot apostasie a effrayé plusieurs personnes, et l’on a dit que ce mot n’était pas scripturaire. On se trompe. On s’en est servi parce que c’est le mot qu’emploie l’Apôtre pour désigner ce qui doit arriver avant le jugement. Martin le traduit par le mot de révolte (2 Thess. 2:3) ; Sacy par le mot d’apostasie (*). Le terme d’apostasie suppose nécessairement quelque corps ou quelque personne qui a été dans une certaine position, mais qui est tombé, qui a failli, qui n’a pas gardé son origine, etc.

 

(*) voyez aussi la version de Lausanne, Actes 21:21, la note.

 

On pourrait faire les mêmes objections au langage de l’Esprit de Dieu lui-même, parlant par la bouche de Jude, qu’à l’emploi du mot d’apostasie, pour désigner un état de choses qui n’est pas encore ouvertement manifesté. « Ce sont ceux-là », dit Jude, en parlant de ceux qui s’étaient glissés dans l’Église, « desquels Énoch a prophétisé ». L’homme, raisonnant d’après sa manière de voir, pourrait dire : ce ne sont pas ceux-là du tout. Selon l’homme il aurait raison. En effet, ce n’était pas ceux-là ; mais le St. Esprit ne craint pas de dire : « ce sont ceux-là », parce que, quoique cachés, ils étaient de la même race. C’était le même principe, c’étaient les mêmes hommes, moralement parlant. Seulement il fallait le discernement du St. Esprit pour les désigner. A-t-on tort de parler comme le St. Esprit parle ?

J’ai dit dans ma première brochure, que la chute de l’homme dans l’économie actuelle était selon l’analogie de tout ce qui est arrivé jusqu’à présent.

Je citerai ici quelques-uns des exemples auxquels j’ai fait allusion, pour qu’on sente l’universalité de cette triste preuve de la folie et de la faiblesse de l’homme, et de la puissance de Satan notre ennemi.

Adam a perdu promptement son innocence.

Noé s’est enivré dans sa tente, d’abord après le déluge.

Les Israélites ont fait le veau d’or avant que Moïse fût descendu de la montagne [Exode 32].

Nadab et Abihu ont offert un feu étranger avant que les jours de leur consécration fussent écoulés ; et Aaron n’a pas mangé l’offrande pour le péché selon l’ordonnance de Dieu [Lév. 10].

Salomon, établi roi d’Israël, dans la paix, selon les promesses de Dieu à David, est tombé dans l’idolâtrie, et le royaume a été divisé [1 Rois 11].

Quand même la gloire de Christ aura été manifestée aux derniers jours, dès le moment que Satan sera délié, les nations se soumettront à lui et feront la guerre contre la cité bien-aimée et contre le camp des Saints [Apoc. 20:7-9].

La chute de l’homme dans l’économie actuelle, et la ruine de l’économie, par le moyen de l’infidélité de l’homme à garder ce dépôt qui lui a été confié, n’est que ce qui se retrouve dans toutes les situations, dans toutes les circonstances, dans toutes les économies où il a été placé. Si cela n’était pas arrivé dans cette économie, ce serait contre l’analogie de tout ce que nous présente l’histoire qui nous a été donnée dans la Bible, et contraire à tout ce qui nous est révélé de l’homme dans toutes les dispensations de Dieu.