SECONDE LETTRE ADRESSÉE

à M. LE COMTE Agénor DE GASPARIN

en réponse à son article dans les

ARCHIVES DU CHRISTIANISME du 28 JANV. 1854

 

J. N. Darby

 

Ed. Kaufmann, GENÈVE, 1854
[Les textes entre crochets ont été ajoutés par Bibliquest]

[Note Bibliquest : selon Wikipedia, le comte Agénor de Gasparin, 1810 – 1871, a été un homme politique français ; protestant, il s’est beaucoup occupé des affaires religieuses, et, avec Frédéric Monod, il a jeté les bases de l’Union des églises évangéliques de France, indépendantes de l’état.]

 

[Seconde Lettre à Monsieur Le Comte Agénor DE GASPARIN, en réponse à son article paru dans les Archives du Christianisme, du 28 janvier 1854, 2ème série, tome 22, 37ème année, pages 20 à 23.

La première lettre figure dans le P.S. de la brochure « Qu’est-ce qu’on a reconnu » de 1852, pages 31 à 39 et répondait à l’article de Mr De Gasparin paru aux Archives du Christianisme du 11 septembre 1852, 2ème série, tome 20, 35ème année, pages 131-134]

 

Table des matières abrégée :

1       [État des attaques de Gasparin contre Darby]

2       [Explication de la position par rapport à la loi]

3       [« Vous êtes bienheureux quand on dira du mal de vous »]

4       [Plusieurs manières de se tromper (sources d’erreur)]

5       L’œuvre du Saint Esprit se poursuit. Le retour du Seigneur

 

[Table des matières détaillée :

1       [État des attaques de Gasparin contre Darby]

1.1         [Pas d’argument contre la précédente lettre]

1.2         [Nouvel angle d’attaque : un prétendu rationalisme. Il est au contraire un défenseur ardent de l’inspiration des Écritures]

1.3         [Rejet de l’Écriture, comme les catholiques et les Anglicans, en abritant l’ignorance sous la théorie de l’inspiration directe]

1.4         [Orgueil spirituel et mysticisme]

1.5         [Rejet de toute loi (antinomianisme)]

2       [Explication de la position par rapport à la loi]

2.1         [Distinction entre la loi et les commandements selon l’Évangile. Si on est ou se met sous la loi, on est sous malédiction, on est perdu]

2.2         [Christ a porté la malédiction de la loi]

2.3         [Les commandements du Seigneur sont l’expression de la vie qui était en Christ]

3       [« Vous êtes bienheureux quand on dira du mal de vous »]

3.1         [Heureux quand on vous injuriera]

3.2         [Sur le prétendu antinomianisme (le fait d’être hors de toute loi : une accusation sans fondement sérieux]

3.3         [Les paroles propres à l’édification sont taxées de bavardage religieux par les chrétiens mondains qui méprisent la marche et les mœurs dont la règle est la croix de Christ]

4       [Plusieurs manières de se tromper (sources d’erreur)]

4.1         [Se baser sur des « conclusions évidentes », sur des « commandements » qui n’existent pas]

4.2         [Prétendre qu’on a trouvé dans la Parole ce qui n’y est pas]

4.3         [Rejeter l’Écriture en la déclarant inapplicable. Prétendre avoir la même compétence que les apôtres]

4.4         [Dire que le fait d’établir des Anciens est perpétuel, mais que la manière de les établir « n’est applicable qu’au temps des apôtres... Puis désobéir à la règle scripturaire en s’arrogeant une compétence qu’on n’a pas !]

4.5         [Au retour de la captivité Babylonienne, le peuple n’a pas tout récupéré. De même aujourd’hui, prétendre retrouver la puissance n’est qu’une misérable imitation]

5       L’œuvre du Saint Esprit se poursuit. Le retour du Seigneur

 

 

LONDRES, 14 mars 1854.

 

1         [État des attaques de Gasparin contre Darby]

1.1        [Pas d’argument contre la précédente lettre]

Je viens de recevoir, Monsieur le Comte, votre lettre insérée dans les Archives du Christianisme du 28 janvier. Vous avez bien fait de ne pas prétendre que ce soit une réponse à la lettre que je vous avais adressée. Je crois pouvoir dire avec simplicité et sérieusement que vous vous êtes gardé d’essayer de répondre à ce que j’ai dit : vous ne pouviez pas non plus justifier votre précédent article. Vous ne vous en occupez plus, vous protestez. — « Protester », dites-vous, « est bien le mot, car je ne prétends pas faire autre chose ». Je vous comprends : vous ne pouviez pas répondre à ma lettre et vous ne pouviez pas justifier la vôtre ; vous pensez avoir trouvé un autre terrain, sur lequel vous pouvez attaquer avec plus de succès des adversaires involontaires que vous avez recherchés vous-même. [pas de saut de paragraphe dans l’original]

 

1.2        [Nouvel angle d’attaque : un prétendu rationalisme. Il est au contraire un défenseur ardent de l’inspiration des Écritures]

Cette fois-ci, pensez-vous, vous en avez trouvé le côté vulnérable. Il faut en faire une espèce de rationalistes. Vous en aurez assez, Monsieur, ces temps-ci, sans en faire — soyez en sûr. Vous trouverez en nous des frères qui combattront (vous en trouverez au moins un qui le fera) sinon dans les mêmes rangs que vous, du moins contre les mêmes ennemis de la Parole, sans même tenir compte des accusations peu aimables que vous lancez contre eux. L’autorité de la Parole est un sujet trop important, d’un intérêt trop grand pour moi, cette autorité a une place trop profonde dans mon cœur, soit à cause de la gloire de Dieu, et de son amour en nous donnant cette Parole, soit à cause de l’amour que j’ai pour elle, pour me permettre de profaner cette autorité, de l’avilir en l’acceptant comme un terrain pour une joute d’armes entre vous et moi. Vous le savez bien, Monsieur, aussi bien que moi, tout le monde le sait, que je ne suis pas plus rationaliste que vous-même ; que je suis, du fond de mon cœur, un défenseur de l’inspiration de l’Écriture (si l’on ose dire qu’elle en a besoin) aussi ardent, aussi reconnaissant envers Dieu que vous-même et, je le crois, sans prétendre à rien d’extraordinaire, sur un terrain plus sûr.

 

1.3        [Rejet de l’Écriture, comme les catholiques et les Anglicans, en abritant l’ignorance sous la théorie de l’inspiration directe]

Vous n’avez pas, à ce qu’il paraît, une haute idée de ce que vous appelez le Plymouthisme. À votre jugement, on est en révolte contre ce qui est écrit ; on ne l’avoue pas, comme les rationalistes et les catholiques, mais la doctrine principale (!) du Plymouthisme ne laisse pas de rejeter en réalité l’Écriture : conséquence du principe catholique sous la forme anglicane, il tombe dans le rationalisme qui rejette une partie de la Bible à sa fantaisie : il réunit les mauvais principes des deux systèmes. « Une fois son principe admis, l’autorité de la Bible est ruinée ». « Le Plymouthisme est bien plus qu’une fausse doctrine, c’est une maladie morale ; on ne veut rien reconnaître qui semble s’élever tant soit peu au-dessus du niveau commun. On tient à n’avoir ni ministres ni savants, parce qu’ainsi on peut trôner à son aise et abriter son ignorance sous la théorie commode de l’inspiration directe ». — Ce sont là, au moins, d’aimables motifs que vous nous imputez, Monsieur le Comte. [pas de saut de paragraphe dans l’original]

 

1.4        [Orgueil spirituel et mysticisme]

Continuons : « Là fermentent incessamment l’orgueil spirituel, le mysticisme qui met ses impressions à la place de l’Écriture, l’esprit de jugement, l’esprit de subtilité, le formalisme qui se croit ennemi des formes, et ce partage religieux, contre lequel il est temps de réagir au nom de la religion ». Vous vous animez en y pensant, Monsieur, mais ces accusations ne vous suffisent pas. « Il y aurait », dites-vous, « bien d’autres choses à relever chez les Plymouthistes.

 

1.5        [Rejet de toute loi (antinomianisme)]

La tendance antinomienne, par exemple, s’y propage de la façon la plus effrayante. Ne leur parlez ni de loi ni de rien qui ait forme de commandement ou de précepte ». — Vous ne m’accusez pas personnellement, il est vrai, de cet antinomianisme dont vous jugez les frères coupables. Je m’y oppose, dites-vous. Que les frères (y compris moi-même) aient des défauts et commettent des fautes, je n’en doute pas, et j’aurais bien des choses à vous répondre, et aussi bien des choses à dire sur les principes que je vois cachés sous les reproches que vous leur faites ; mais cela aurait l’air d’une attaque personnelle et je m’abstiens. Je me bornerai à une seule remarque qui pourra être utile à tout le monde.

 

2         [Explication de la position par rapport à la loi]

2.1        [Distinction entre la loi et les commandements selon l’Évangile. Si on est ou se met sous la loi, on est sous malédiction, on est perdu]

La loi, et des commandements envisagés au point de vue de l’Évangile sont des choses entièrement distinctes. Permettez-moi de vous dire, Monsieur, que, si vous êtes sous la loi, vous êtes perdu, totalement perdu et sous la malédiction. La loi promet la vie quand on aura accompli ce qu’elle exige. Quels que soient les secours et les promesses de Dieu qui l’accompagnent, elle est un ministère de mort et de condamnation, parce que personne ne l’a observée. Nous en sommes délivrés. Elle est la puissance du péché (1 Cor. 15:56 ). Elle est survenue afin que l’offense abondât (Rom. 5:20). Ce n’est pas qu’elle n’eût pas de force et n’imposât pas une obligation, mais elle n’avait de force que pour tuer et pour condamner. On ne peut pas faire comprendre cela trop clairement au chrétien, parce qu’il s’agit de lui faire prendre sa vraie place comme pécheur. La loi n’a aucune force pour détruire le péché ; elle en a pour condamner et pour condamner justement le pécheur. Si vous croyez pouvoir vous placer impunément sous la loi, vous ne vous connaissez pas, Monsieur. Vous êtes un pécheur, et la loi condamne les pécheurs. Elle ne saurait faire autrement, parce qu’elle est sainte et juste. La loi est bonne si l’on en use légitimement pour convaincre de péché, mais, si vous vous placez sous la loi, vous vous placez sous la condamnation. L’autorité de cette loi ne saurait être annulée ni sa rigueur mitigée. Ce serait permettre le péché. Elle ne demande pas si vous êtes chrétien ou juif. Elle ne demande pas si vous êtes faible ou fort. Elle demande que vous l’accomplissiez sans défaut. Vous ne l’avez pas fait — vous êtes maudit. Et vous, Monsieur, vous ne l’avez pas fait. Vous n’avez pas aimé Dieu de tout votre cœur, ni votre prochain comme vous-même. Si vous êtes sous la loi, la loi vous condamne donc sans miséricorde. [pas de saut de paragraphe dans l’original]

 

2.2        [Christ a porté la malédiction de la loi]

Or Christ en a porté la peine, et comme la loi n’aurait pu faire autre chose que me condamner, parce qu’elle ne lâche jamais rien de ses exigences et qu’elle ne saurait le faire, Christ en a pris la malédiction sur lui, de sorte qu’il n’y en a plus pour moi. Ainsi la loi ne m’atteint pas car elle domine sur un homme aussi longtemps qu’il vit. Or Christ est mort, et les croyants sont morts avec lui ; crucifiés avec lui, ils sont tenus de faire leur compte qu’ils sont morts, et ainsi la loi, qui condamne toujours les pécheurs, n’atteint pas les croyants. Ils sont ressuscités avec Jésus pour marcher en nouveauté de vie.

Êtes-vous sous la loi, je vous le demande, Monsieur ? Si vous l’êtes, vous êtes sous la condamnation, et vous ne comprenez pas l’Évangile ni la grâce de Dieu. Si vous ne l’êtes pas, ne blâmez pas les autres, parce que eux aussi, sentant qu’ils seraient perdus s’ils étaient sous la loi, ont, par la grâce, reconnu la grâce dans la mort et dans la résurrection de Jésus qui les en a délivrés. [pas de saut de paragraphe dans l’original]

 

2.3        [Les commandements du Seigneur sont l’expression de la vie qui était en Christ]

Or les commandements du Seigneur sont tout autre chose. Christ ne donne pas des commandements pour qu’on acquière la vie en les observant ; et quand je dis Christ, où que nous trouvions des commandements, des préceptes, de la lumière sur la volonté de Dieu, c’est la même chose en principe, mais je parle de Christ, parce qu’il est, par excellence, l’expression de la volonté de Dieu, cette « Parole de vie » de laquelle, étant dirigés par le Saint-Esprit, nous trouvons des détails dans toute la Bible. En Christ EST la vie, et ses commandements sont l’expression de la vie qui était en Lui, homme sur la terre, où nous avons à marcher. Or celui qui a le Fils a la vie, et les commandements de Christ sont pour lui, non pas le moyen d’obtenir la vie, mais la direction de la vie qu’il possède déjà en Christ.

 

3         [« Vous êtes bienheureux quand on dira du mal de vous »]

3.1        [Heureux quand on vous injuriera]

Quant à vos accusations violentes, Monsieur, j’ai trois choses à dire.

1°. Nous lisons que nous sommes heureux quand on nous aura injuriés et quand, à cause de Jésus, on aura dit faussement contre nous toute sorte de mal.

 

3.2        [Sur le prétendu antinomianisme (le fait d’être hors de toute loi : une accusation sans fondement sérieux]

2°. Quoique je sache bien que les frères repoussent avec soin, en principe et en pratique, toute iniquité, si, en quoi que ce soit, la négligence s’est glissée au milieu d’eux, ou l’antinomianisme, tel qu’on l’entend ordinairement, sous quelque forme que ce soit, ce qui certes n’est pas un principe parmi eux, j’espère qu’ils profiteront de vos accusations, quelque hostiles et peu fondées qu’elles soient, pour ôter toute occasion quelconque à l’ennemi. J’espère qu’ils le feront sérieusement, car je crois qu’ils ont le témoignage de Dieu, et il convient que ceux qui le rendent soient à l’abri de toute attaque sauf les calomnies ; qu’ils aient les armes de la justice à droite et à gauche. J’espère qu’aux calomnies ils ne répondront que par la patience.

3°. Je sais, du moins on me l’a dit, que M. Monsell aussi a débité cette accusation contre les frères. Mais je vous dis sérieusement, que ni la conduite de M. Monsell, ni ses principes, ni les vôtres (si je dois croire que vous approuvez ceux qui sont enseignés dans le livre intitulé : « Quelques défauts des chrétiens », ce qui me semble probable d’après votre expression « parlage [bavardage] religieux ») ni vos principes, dis-je, à tous les deux ne me disposent à respecter votre jugement sur ce que c’est que l’antinomianisme. [pas de saut de paragraphe dans l’original]

 

3.3        [Les paroles propres à l’édification sont taxées de bavardage religieux par les chrétiens mondains qui méprisent la marche et les mœurs dont la règle est la croix de Christ]

Si j’ai bien compris vos principes, et je le crois, il ne s’agit pas de me justifier, ni de justifier les frères d’après des principes communs à vous et à nous. Je rejette les vôtres. Je les condamne comme contraires à la Parole. Je le ferai avec toute la force que l’Esprit de Dieu me donnera pour le faire ; et, lorsque l’occasion l’exigera, j’avertirai tous les saints et je les mettrai en garde contre des principes qui renversent la puissance pratique de la croix du Christ et renient la marche enseignée au chrétien dans la Parole. Je ne sais trop ; peut-être devrais-je dire, je ne sais que trop ce que vous entendez par le « parlage religieux » ; mais je sais que notre discours doit être toujours celui qui est propre à édifier, qu’il doit être toujours assaisonné de sel avec grâce. Je sais que la parole du Christ devrait habiter en nous abondamment en toute sagesse, nous enseignant et nous exhortant l’un l’autre par des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels avec grâce, chantant de notre cœur au Seigneur, et que, quelque chose que nous fassions, soit par parole, soit par œuvre, nous devons tout faire au nom du Seigneur Jésus, rendant grâce par lui à notre Dieu et Père. Je sais que cela passe pour du « parlage religieux » dans la société chrétienne mondanisée, et cela d’autant plus que les vues et les principes sont plus scripturaires, sont selon la plénitude de l’Évangile et exprimés comme la Parole les exprime. Je sais que les chrétiens mondains méprisent une marche et des mœurs qui n’ont que la croix de Christ pour règle. Mais tout pauvre que je sois spirituellement, et je le sens devant Dieu, Monsieur le Comte, j’ai trouvé Christ assez précieux, j’ai assez trouvé que son vrai caractère est la seule chose précieuse, que sa croix est la lumière et la gloire de ma vie, tout faible que je sois pour la porter comme il faut, — oui, j’ai trouvé Christ assez précieux pour abandonner, sans une loi qui m’y oblige, le monde que vous et d’autres voulez mêler avec le Sauveur qu’il a rejeté. La personne de Christ fait objectivement la vie du cœur du chrétien ; la croix, la règle d’après laquelle il marche. Il est heureux de l’avoir, car elle manifeste et juge la chair qui empêche de jouir de cet objet précieux. Si vous préférez la belle musique ou la société qui n’est pas le monde, d’après les tristes et futiles subtilités de M. Monsell, je vous laisse volontiers votre choix — en vous plaignant de ce qu’il soit tel ; heureux que ma faiblesse ne m’empêche pas de jouir de Celui qui répond en grâce à cette faiblesse même, comme il est la source et la nourriture de la joie de ma force spirituelle, l’objet qui maintient cette joie vivante dans mon cœur. Christ est ma portion, Monsieur le Comte, et de telle sorte que je n’en veux pas d’autre. Plus je me sens faible, plus je le veux Lui. Peut-être penserez-vous que c’est là du « parlage religieux. » Je suis trop heureux pour m’inquiéter de pareils reproches. Je sais ce que vous voulez. Je sais ce que veut M. Monsell. Je sais ce que veulent beaucoup de gens qui s’opposent aux frères. Quant à moi, ce qu’ils veulent je ne le veux pas. Nous corrigerons nos fautes par la grâce, je l’espère ; là où il s’en trouve. Nous n’abandonnerons pas notre portion. Il se peut bien qu’il y en ait qui abandonnent les frères pour être chrétiens plus commodément dans le monde. Je crains bien davantage que, par lâcheté, les frères se conforment au monde. Je le crains davantage pour moi-même. Nous attendons son Fils du ciel. C’est sa croix qui est notre partage jusqu’à l’heure bienheureuse, où nous irons à sa rencontre pour le voir tel qu’il est. Dieu veuille que nous sachions la porter mieux ! J’ai dit plus que je ne pensais dire. Je n’en ai pas de regret. C’est un point capital en dehors de toute controverse.

 

4         [Plusieurs manières de se tromper (sources d’erreur)]

4.1        [Se baser sur des « conclusions évidentes », sur des « commandements » qui n’existent pas]

Je reviens à votre lettre, Monsieur. Vous avez protesté. C’est l’unique refuge de ceux qui, étant battus sans espoir, n’ont que cela à faire. Vous êtes dans vos droits. Vous avez porté les accusations les plus violentes contre les frères. C’est tout naturel, c’est la seule ressource de ceux qui n’ont pas de raisons. — Mais, malheureusement pour la cause que vous défendez, Monsieur, vous vous êtes aventuré plus loin : Vous avez raisonné aussi. Je ne puis donc vous laisser aller abrité sous le prétexte que vous ne prétendez faire autre chose que protester. Vous voulez sauvegarder vos raisonnements derrière le bouclier d’une protestation. Mais vous avez fait des raisonnements, et en les faisant vous êtes allé un peu vite. Premièrement, ce que vous dites ce sont des « conclusions évidentes ». Tout de suite après, c’est : « Voilà ce qu’on lit dans la Bible ». Puis c’est un « commandement biblique ». Est-ce que vos « conclusions » sont un commandement biblique, Monsieur le Comte ? Sinon, où est-il ce commandement biblique ? Je l’ai cherché en vain dans votre lettre. Il ne s’y trouve pas. La raison en est claire : C’est qu’il n’y en a pas dans la Bible. C’est ce que je vous ai fait remarquer dans ma précédente lettre. Vous n’avez pas osé y répondre, et vous n’avez pas pu produire un commandement pour la nomination des Anciens. On ne le lit pas, Monsieur, dans la Bible. Et vous laissez percer la vérité lorsque vous dites : « Voilà ce qu’on lit dans la Bible quand on ne veut rien y mettre et rien en ôter ». Si cela est écrit dans la Bible, on le lira en tout temps. Pourquoi dites-vous qu’on le lira quand etc. ? C’est qu’on ne le lit pas du tout. Ce n’est qu’une conséquence que vous cherchez à en tirer.

Je nie qu’il y ait un commandement biblique d’établir des Anciens. S’il y en a un, citez-le. Vous avez cité, d’une épître adressée à Timothée, un passage où l’Apôtre indique le caractère qui convient à un évêque, dans le cas où quelqu’un désire l’être : portion précieuse de la Parole, mais qui est loin d’être un commandement de les établir, et surtout de les établir par quelqu’un qui n’est pas dans la position de Timothée. Timothée n’a pas été envoyé pour établir des Anciens, mais pour maintenir la saine doctrine (1 Tim. 1:5). Le sain jugement du caractère exigé pour être évêque n’est qu’une partie de la conduite qui convient à la maison de Dieu. Timothée était laissé pour tout surveiller. Il n’y a point de commandement biblique ; s’il y en avait eu, vous l’auriez sûrement cité.

 

4.2        [Prétendre qu’on a trouvé dans la Parole ce qui n’y est pas]

Permettez-moi d’ajouter ici, à celles que vous avez indiquées, une autre source d’erreur qu’il est assez étrange que vous ayez omise. Vous mentionnez : « une tradition ajoutée à l’Écriture, ou une systématisation de l’Écriture, ou une mutilation de l’Écriture ». J’ajoute une autre source, c’est avancer quelque chose de contraire à la Parole, ou s’éloigner de ses règles, ou même prétendre y trouver ce qui n’y est pas, bien que ce ne soit pas une tradition formelle. La plupart des choses mauvaises qui existent dans la chrétienté et que vous avez rejetées, ne sont pas des inventions toutes nouvelles, ce sont des corruptions, ce sont des conséquences de ce que vous justifiez. On a pris des institutions bibliques et on les a établies d’une autre manière que celle prescrite par la Parole. De là la hiérarchie, le sacerdoce, la messe. C’est ce dont je vous accuse, Monsieur ; vous voulez nous imposer comme un commandement biblique ce qui ne l’est pas. Vous avouez, après tout, que ce n’est qu’une conclusion évidente ; il est sérieux de mettre en avant ses propres conclusions comme des commandements bibliques.

 

4.3        [Rejeter l’Écriture en la déclarant inapplicable. Prétendre avoir la même compétence que les apôtres]

Mais ce n’est pas tout, Monsieur : en vous suivant pas à pas, je me trouve dans les horreurs rationalistes. Votre hostilité contre les frères vous a fait creuser une fosse pour y tomber sens dessus dessous, et si complètement que vous ne vous en apercevez pas. Vous dites : « La nomination ou l’installation par les apôtres et par les délégués n’a jamais été destinée à survivre aux délégués et aux apôtres ». Voilà le triage, une règle rejetée bel et bien. « C’est », dites-vous, « qu’il n’est pas nécessaire de rejeter expressément l’Écriture pour la rejeter en réalité : il suffit d’inventer une thèse en vertu de laquelle on déclare inapplicable aujourd’hui une portion de ce qui était applicable au temps des apôtres ». À qui vos paroles s’appliquent-elles ? Vous me blâmez, de ce que je pense que, les apôtres et les délégués ne subsistant plus, on ne peut pas faire ce qu’ils faisaient ; que l’autorité formelle de laquelle ils revêtaient ceux qu’ils établissaient dans la fonction d’Ancien ne subsiste plus. Puis, pour réponse, vous dites, en insistant sur la perpétuité de toute règle de la Parole, « que la nomination ou l’installation par les apôtres et par les délégués n’a jamais été destinée à survivre aux délégués et aux apôtres ». Mais le lecteur dira : ce n’est pas possible ; c’est lui faire dire ce qu’il vous blâme d’avoir dit. Sans doute. Cependant je copie ses propres paroles. Mais il y a une petite chose par derrière que M. de Gasparin ne nous dit pas : c’est qu’il prétend, faire lui-même, avec la même autorité que les apôtres et les délégués, ce que ceux-ci ont fait, et ce qui n’était pas destiné à survivre à ces délégués et à ces apôtres ; lui et ses compagnons ont, disent-ils, la même autorité que les apôtres et leurs délégués, quoique cette autorité n’ait pas dû survivre à ces derniers. M. de Gasparin et l’Église libre les ont remplacés avec une autorité et une compétence égales. Ils savent se conduire aussi bien qu’eux dans la maison de Dieu et revêtir les évêques d’autorité comme les apôtres l’ont fait, et si je dois en croire M. le Comte de Gasparin, pour que quelques-uns puissent « s’élever tant soit peu au-dessus du niveau commun ». Pour ma part, je le dis sincèrement, je désire être le serviteur de tous pour l’amour du Christ.

 

4.4        [Dire que le fait d’établir des Anciens est perpétuel, mais que la manière de les établir « n’est applicable qu’au temps des apôtres... Puis désobéir à la règle scripturaire en s’arrogeant une compétence qu’on n’a pas !]

Vous assurez, Monsieur, que la nomination ou l’installation par les apôtres et par les délégués n’a jamais été destinée à survivre aux délégués et aux apôtres. Cependant c’était bien la règle qui se trouve dans la Parole. On retranche donc la règle en déclarant qu’elle n’était pas destinée à survivre. Vous nous le dites, c’est du pur rationalisme d’après vous. « Le commandement ne subsiste-t-il pas tant que Dieu lui-même ne l’a pas formellement aboli ? » C’est ce que vous me demandez, et je vous le demande. Vous me dites : mais nous ne pouvons pas suivre la règle parce qu’il n’y a pas de délégués et d’apôtres. D’accord. Mais nous différons en ceci, c’est que vous désobéissez à la règle scripturaire en vous arrogeant une compétence que vous n’avez pas ; tandis que je n’ose pas lui désobéir ; et si j’ai perdu quelque chose, je ne l’attribue pas à la volonté de Dieu, à ce que Dieu n’a pas destiné la règle à survivre ; mais je fléchis la tête en disant que le péché de l’homme y a eu sa part, la sagesse de Dieu la sienne, en n’autorisant pas d’avance ce qu’il savait devoir être corrompu par l’homme. Vous me répondrez sans doute : mais il y a un commandement positif pour nommer des évêques [surveillants], et il n’y en a pas pour la manière de les établir. Vain effort ! Il y a la même autorité pour l’existence des évêques et pour la manière de les établir ; il y a l’histoire, le fait que les apôtres et leurs délégués en ont établi ; une règle uniforme pour la manière d’après laquelle ils doivent être établis lorsqu’ils le sont formellement. L’histoire de la manière dont ils ont été établis est la seule preuve qu’il y en a eu d’établis ; autrement nous pourrions supposer que ce n’étaient que les frères les plus graves et les plus sérieux qui prenaient cette position naturellement au milieu du troupeau, ainsi que Jean et Pierre en font foi pour ce qui les concerne. Personne ne nie que, dans le temps apostolique, il y ait eu des Anciens, mais il n’y a pas trace de nomination et d’établissement formel, autre que l’exercice de l’autorité des apôtres, et cela d’une manière qui montre que les Églises fondées par l’Apôtre Paul, n’étaient pas censées capables de le faire par elles-mêmes. Car l’Apôtre a envoyé un délégué pour le faire, où il n’a pas pu le faire lui-même. N’ayant que cette seule preuve de nomination quelconque, vous faites « le triage » de ce que la Bible dit, et vous dites : la nomination est perpétuelle, mais la manière de nommer et d’établir « n’est applicable qu’au temps des apôtres ». La règle de la Parole n’était pas destinée à survivre aux délégués et aux apôtres. Peu importe que la règle veuille qu’ils soient établis ainsi, et qu’il n’y ait pas d’autre commandement biblique quelconque pour la nomination des Anciens. Vous la ferez autrement. Vous accepterez le fait et vous retrancherez la règle. Est-ce que je vous accuse d’être rationaliste ? Non, Monsieur, je ne vous en accuse pas. Mais s’il y a du rationalisme dans cette affaire, et si le triage de la Parole en est la preuve, c’est bien vous, Monsieur le Comte, qui êtes le rationaliste ; et bien plus que ceux qui prennent le tout de la Parole sur ce point, et qui, parce que cette autorité est perpétuelle, ne veulent pas faire autrement que ce que la Parole nous dit, comme vous le faites et l’avouez, et qui préfèrent reconnaître la misère et le péché des hommes plutôt que de prétendre agir sans la Parole et d’une manière-positivement contraire à la Parole. N’ai-je pas eu raison de dire, Monsieur, qu’il y avait d’autres manières de manquer à la Parole que celles dont vous parlez, et que j’ai citées plus haut, dans votre article de journal, savoir : agir à sa façon en admettant qu’il y avait une règle dans les temps des apôtres mais en disant que Dieu ne l’avait pas destinée à leur survivre ? C’est bien le fond de la question, comme vous le dites. Je vous renvoie votre question : « L’Écriture nous oblige-t-elle, oui ou non ? suffit-il de lui désobéir pour l’abolir ? » Ma réponse est très-simple. J’admets que, dans les temps apostoliques, il y a eu des anciens, soit des évêques ; je nie qu’il y ait eu un commandement pour les établir. Il y a une règle qui décide de la manière dont ils doivent être établis. Cette règle, vous la violez par ce que vous faites, en disant qu’elle n’était pas destinée à survivre aux apôtres et à leurs délégués. Vous retranchez la règle de la Parole pour pouvoir lui désobéir en agissant autrement. Vous ne niez pas que vous établissez des Anciens d’une autre manière que ce que la règle biblique exige ; vous vous excusez en disant que cette règle n’était pas destinée à survivre aux apôtres et à leurs délégués ; c’est bien vous qui faites ce dont vous nous accusez. Pour notre part, nous recevons tout ce que la Bible dit là-dessus, nous reconnaissons toute la force de la règle biblique que vous violez, et nous acceptons l’humiliation de l’état de faiblesse où le péché a réduit l’Église.

 

4.5        [Au retour de la captivité Babylonienne, le peuple n’a pas tout récupéré. De même aujourd’hui, prétendre retrouver la puissance n’est qu’une misérable imitation]

L’Église n’est pas dans un état normal ; elle a traversé de longs siècles d’éloignement des voies et des principes de Dieu : elle a passé par ce que la Réformation, que vous défendez, a appelé la captivité babylonienne. En en sortant, comme les Juifs n’ont retrouvé ni arche, ni urim ni thummim, ni schékinah, nous ne possédons pas tout ce qu’on a perdu en y tombant. Prétendre refaire tout, n’est pas reconnaître la Parole, mais faire de misérables imitations à sa façon de ce que Dieu seul a le droit et le pouvoir de faire. Le royaume de Dieu est en puissance ; je ne vous crois pas cette puissance, Monsieur. Je ne crois pas que vous puissiez faire à votre fantaisie ce que les apôtres ont fait avec puissance, ni que vous ayez raison, quand, pour agir comme vous l’entendez, sans règle, vous dites que la règle biblique n’était pas destinée à survivre aux apôtres et à leurs délégués. Je laisse à vous et à tout lecteur d’un jugement sain à expliquer comment, après avoir écrit une telle phrase, vous avez osé nous accuser, nous, de faire le triage de ce qui était applicable ou non dans ces temps-ci, comme des rationalistes qui « ont à examiner ce qui convient à l’Église du 19ième siècle et non ce que pratiquait l’Église primitive ». L’état de ruine où gît l’Église est trop sérieux pour qu’on rabaisse à de misérables prétentions de faire des Anciens une pensée qui devrait navrer le cœur et nous amener à l’intercession pour le peuple de Dieu.

 

5         L’œuvre du Saint Esprit se poursuit. Le retour du Seigneur

Grâces à Dieu, il daigne agir au milieu de tout. Si vous tenez à épuiser vos forces en établissant ces fantômes d’Anciens, laissez-nous, Monsieur, poursuivre l’œuvre que fait le St. Esprit, en réveillant les âmes et en rappelant à l’Église bien-aimée du Seigneur, qu’elle devrait attendre du ciel le Fils, son Sauveur et son Époux.